La scène était digne d’un film américain. Javier ne savait même pas très bien si, finalement, Adriel se moquait de lui en mimant une surprise exagérée ou si, au contraire, il était véritablement heureux et surpris de le retrouver là. Après tout, il aurait dû s’en douter. Un tel festival, si représentatif de la société états-unienne actuelle, était attirant pour un étranger comme lui qui désirait particulièrement profiter de toutes les occasions pour s’immerger un peu plus dans cette communauté si particulière. Le contact de sa peau contre son visage le fit frissonner. Il avait souvent fantasmé, seul dans son lit, sur ce genre de contact, n’ayant jamais réussi à s’enlever de la tête le visage du jeune Américain qui était venu deux étés de suite passer ses vacances chez lui. « Javier ! » Le seul et l’unique, oui. L’alcool faisait de toute évidence des ravages chez les jeunes étudiants de la côte. Il n’avait pas réussi à le reconnaître alors qu’ils avaient quasiment passé de chastes nuits entières côte à côte – la maison familiale ne permettant pas non plus d’accueillir les jeunes gens dans les meilleures conditions.
Le contact avec le corps d’Adriel était particulièrement violent. Il s’attendait à des retrouvailles mais pas à autant d’amour. Tombant en arrière, Javier chuta sur le sol, des étoiles plein les yeux, regardant avec une certaine tendresse – l’alcool aidant même si l’alcool a bon dos dans ce contexte – le jeune homme penché au-dessus de lui. Un flash traversa sa mémoire, lui rappelant qu’une situation similaire s’était déjà produite et que le résultat avait été fameux. Il se releva en le poussant tendrement, le sourire toujours aux lèvres. « Je savais pas que tu venais ! Si j'avais su, j'aurai essayé de te voir avant ! » Javier savait bien que ce n’était pas le cas. Que même s’ils s’étaient rencontrés dans la rue, aucun des deux n’aurait osé proposer à l’autre d’aller boire un café. La manière dont ils s’étaient quittés tous les deux n’était guère propice à de telles retrouvailles. Mais l’alcool – encore une fois ! – aidant, la soirée promettait d’être riche en rebondissements. Rien que de retrouver Adriel à ce instant était la promesse de quelque chose de merveilleux.
« Adriel, si tu savais … » Il avait envie de se pencher vers lui, de le prendre dans ses bras et d’entendre son cœur cogner contre le sien. Il avait envie de passer sa main dans ses cheveux, de lui caresser le visage. Et soudain, il n’avait plus qu’une seule envie, repartir, le laisser derrière lui, sans se retourner. Dans de tels moments, il reprenait la bouteille dans sa main et reprenait une gorgée pour se donner du courage. Du courage liquide comme il aimait l’appeler. Des gouttes d’eau tombaient des cheveux d’Adriel, comme s’il venait de sortir du lac. Il allait attraper froid le pauvre. Retirant son gilet d’autour de ses épaules, il ébouriffa le jeune homme pour lui sécher de manière artisanale les cheveux. « Tu vas attraper froid, niño ! » Javier en profite pour lui caresser les épaules énergiquement et le réchauffer. Il lui tend par la même de nouveau la bouteille de bière, l’invitant du regard à se resservir. « On va bientôt être à sec par contre. » Et il ne voulait surtout pas se retrouver sobre dans cette situation. Il avait besoin de se sentir alcoolisé pour tenir une véritable conversation avec Adriel. Son but inavoué était de toute façon de retrouver ce qui s’était passé des années plutôt, sur une plage et des conditions similaires.