Kanvael et Melody
+ forever is a long time, you know.
Je suis navrée pour ce début un peu médiocre, les débuts, ça n'a jamais été mon fort. Pour changer, Melody travaillait. Toujours la tête fourrée dans ses vieux livres déterrés de siècles anciens, à chercher la perle rare qui saurait la captiver autant qu'elle captiverait ses élèves dans un futur plus ou moins proche. Après un semestre entier passé sur Lord Byron et le romantisme anglais, elle s'attaquait désormais à une partie plus lourde encore de ce qu'elle avait à leur apprendre. Elle n'en finissait plus de travailler pour parvenir à boucler tous ses chapitres, et elle n'avait eu que trop peu l'occasion de sortir, ses derniers temps. Une privation engendrant la frustration, qui elle amenait en sa sombre compagnie son lot de mauvaise humeur et de contrariétés. Bref, elle ruminait sa colère tout en bouquinant des livres qu'elle avait maint et maint fois lu, en cherchant une fois de plus l'inspiration divine. Elle connaissait, certes, la base même de son cours, mais il lui restait encore tant à trouver.. Les bons textes pour illustrer les bons courants littéraires, les bons auteurs pour laisser entrevoir les bonnes leçons de morale. Ah, tant d'obligations, tant de travail, tant de règles, tant de date limite, tout ce qu'elle haïssait et qu'elle fuyait comme la peste. Ce qu'elle aimait dans son métier, c'était avant tout le contact avec ses élèves, lire l'intérêt dans leur regard, les faire rire de quelques anecdotes tordantes, les cultiver autant qu'elle aimait être cultivée. Mais encore et toujours, ce foutu bachotage se mettait sur son chemin et lui rappelait les dures lois de l'échange équivalant. Dans un mouvement d'humeur, elle laissa tomber (ou plutôt, jeta à terre) le bouquin qu'elle avait dans les mains, et jeta un coup d'oeil à l'assemblée silencieuse que formait la bibliothèque, désormais comme un seul visage tournée vers elle. Ruiner le calme régnant en maître dans un tel endroit était synonyme de sacrilège. Aussi baissa-t-elle le regard, avant de ramasser ce qu'elle venait sciemment de jeter, sans pour autant se replonger dans sa lecture. Non, elle n'en pouvait plus. Un break de quelques minutes s'imposait, avant qu'elle ne perde totalement les pédales et se mette à saccager la bibliothèque entière.
Melody se leva prudemment, avant de jeter un œil au rayon qui la concernait de près, celui de la littérature britannique. Lord Byron siégeait ici en maître, comme le souverain incontestable des anglais et ce même depuis sa tombe. Comme Byron lui manquait, maintenant qu'elle devait potasser sur un autre.. Ironiquement et avec un sourire d'agacement fiché sur le visage, elle tendit le bras pour s'en emparer, lorsqu'elle percuta l'autre même partie de cette anatomie d'un homme qui s'était approché derrière elle. Un homme qu'elle craint un instant de gifler sous le coup de la colère. Tout en fermant les yeux quelques secondes pour retrouver ce calme qui la caractérisait si mal, elle se retourna pour enfin admirer qui troublait le break qu'elle s'était imposée. C'était un homme au visage dur et à l'allure presque militaire, comme laissait à penser le bandeau qui trônait sur son œil, tels les pirates borgnes des contes marins. Hormis cette singularité, il dégageait un certain charme que Melody était obligée de contempler. Elle n'aurait pourtant su évaluer son âge, puisqu'il lui fut vite évident qu'elle ne l'avait encore jamais vu au sein d'UCLA. Certes, elle ne connaissait pas chacun des visages ici présents, mais elle avait la ferme intuition que s'il était d'ici, elle l'aurait déjà croisé au détour d'un couloir et n'aurait pu oublier son physique singulier. Un bref instant, elle oublia tout de leur 'accrochage', de Lord Byron ou de son cours de littérature. Entièrement focalisée sur cet homme, elle se demandait s'il n'était pas un peu vieux pour être élève, avant de se reprendre : certains, ici, dépassaient même la trentaine. « Vous êtes nouveau à UCLA ? » demanda-t-elle sans même tâcher d'effacer cette curiosité tout à fait malvenue. Les gens ici avaient l'habitude de son petit caractère, mais pour un nouveau tel que cet étranger, il y avait probablement de quoi être quelque peu offusqué. « Oh, allez-y, si vous en avez besoin pour passer vos partiels, vous êtes prioritaires. » Sur ces mots, elle lui tendit le bouquin sur lesquels ils avaient tous deux des vues. Néanmoins, elle n'aurait su dire pourquoi, mais l'identité de cet homme l'intriguait. Elle n'avait pas pour habitude de s'intéresser autant à la vie des gens, mais ce bandeau sur cet oeil attirait son attention et aiguisait sa curiosité déjà légendaire. Oui, vraiment, elle aurait au moins aimé savoir si elle avait des chances de le rencontrer dans un de ses cours, option sacrément probable au vue de sa lecture. Aussi resta-t-elle là, en attente de réponses.