Put your mask on
JOYCE SMITH & AXEL CLEMENT
Quel est ce jeu malsain qui s'instaure entre nous ? Je ne le sais pas et pourtant j'y prends goût. J'aime mener la danse. Être gagnante. Mais j'aime aussi qu'on me provoque, qu'on me cherche. Et lui, le fait à la perfection. Je n'aurais pu trouver un meilleur adversaire. On se complaît dans cette guerre étrange, dans ce cercle vicieux. En quête d'une quelconque réaction de la part de l'autre, on aiguise nos piques pour qu'elles soient le plus douloureuse possible. Il faut toucher quitte à faire mal. Il me perturbe. C'est à la fois excitant et énervant. Je n'aime pas sentir qu'on puisse me contrôler mais c'est pourtant bel et bien le cas avec Axel. Évidemment, je n'en montre rien. Je garde ce masque que je porte si bien. Mais il sait comment me faire réagir. Il sait comment m'atteindre et il ne s'en rend probablement pas compte. Je sais cacher mes émotions, je suis la reine dans ce domaine. Le mensonge est à la fois mon arme et mon bouclier. Mon attaque et ma défense. Lorsqu'il fait référence à ma solitude, je ne suis pas blessée. Parce ce qu'il dit là, c'est la vérité. Je suis seule. Et même si cela ne me gêne pas, je suis agacée de voir qu'il met le doigt sur ce qui est vrai. « C'est la même chose. Ne jouons pas sur les mots, c'est puéril. Tu vaux bien mieux Axel. » Mesquine. Je continue de le chercher, de le piquer là où ça peut faire mal. C'est le seul moyen que j'ai pour me défendre de lui et de son charme. Il peut me faire tomber et cela m'effraie. Je ne veux pas être vulnérable pourtant je sens qu'il devient doucement ma faiblesse. Je ne peux me passer de ce jeu, je ne peux me passer de sa présence. Jouer la carte de l'indifférence est plus facile que d'admettre l'indéniable attirance qui existe entre nous. J'évite les problèmes et les personnes un peu trop curieuses. J'ai un rang à tenir, une image à garder. Je suis mariée. C'est ainsi. Et peu importe que mon cœur batte plus fort chaque fois que je me rapproche un peu plus de lui. Peu importe, que mes yeux ne désirent que son image, que je frissonne quand son odeur vient chatouiller mes narines. Peu importe tout ce que je peux ressentir. Je me persuade que ce n'est que physique. Qu'il n'y a rien de plus. Pourtant, je veux en savoir plus. En découvrir davantage à son sujet. Encore et encore. Et lorsqu'il m'avoue être capable de me suivre j'ai envie de sourire. Mais je me retiens. Je suis assez forte pour ne jamais rien montrer de ce que je pense ou ressens. C'est une compétence que j'ai acquise au fil des années. Je suis une actrice de la vie quotidienne. Alors que je joue avec le feu, que je le taquine en me mettant en danger, je me demande combien de temps encore j'allais pouvoir tenir. Mais l'image de Stephen me ramène à la raison. Elle me permet de reculer et de reprendre la place que j'occupais initialement. Je joue habilement avec son désir sans vraiment prendre conscience que je joue aussi avec le mien. Je me remets doucement de ce moment complice que nous venons de partager. Je voulais l'embrasser. Je le voulais terriblement... Et cette sorte de passion qui brûle en moi m'inquiète. Elle représente un danger. Elle est le risque que je perde le contrôle. Mais il en est hors de question. Je tiendrai bon. Je résisterai à ce regard perçant qu'il pose sur moi et qui m'enflamme. C'est dingue et complètement insensé. Je me vexe à sa dernière remarque. Pourquoi ? Je ne sais pas vraiment. Peut-être parce qu'il me donne l'impression de ne pas compter dans sa vie. Mais pourquoi voudrais-je avoir tant d'importance ? Pourquoi ai-je besoin d'être quelqu'un à ses yeux ? Ça me rend folle... Tout comme lorsqu'il tente de découvrir qui je suis. Il me trouble. Me bouleverse. Il détruit peu à peu ses barrières que j'ai mis tant de temps à construire. Je dois reprendre le dessus. Retrouver ma force. « Si je ne te manque pas pourquoi es-tu toujours là où je me trouve ? Pourquoi as-tu ressenti le besoin de venir t'asseoir à mes côtés ? Il n'y a pas de hasard Axel, pas entre nous. Ai au moins l'honnêteté de l'admettre. » Parce que même s'il existe une infime part de coïncidences dans nos rencontres, nous devons admettre que la plupart du temps, tout est voulu, calculé. Et alors que les lumières s'éteignent, je me surprends à l'observer discrètement. Le silence se fait dans la salle et pourtant, je suis frustrée de ne plus pouvoir l'entendre. Je veux qu'il me parle. Qu'il me cherche, encore et encore. Qu'il continue le jeu. Dans un désir de provocation ma main se pose sur sa cuisse. Mon regard est désormais fixé sur l'écran. Doucement, je caresse sa jambe, certaine qu'il va réagir. Il ne peut rester insensible, c'est impossible. Même moi, je sens l'envie me prendre lentement. Mais il craquera le premier, j'y veillerai personnellement.