Charly et Melody
+ And I raised my daughter in the American fashion.
Tuuuuuuuut. Tuuuuuuut. Tuuuuuuuut. Melody ouvrit un oeil, lança avec violence son bras contre le réveil qui s'évertuait à sonner si tôt dans la matinée, et l'envoya valser contre l'un des murs de la chambre. Pourtant, malgré ce mouvement d'humeur, elle savait qu'il était temps qu'elle se lève. Six heures dix. Une heure avancée, qui lui permettait tout juste de prendre une douche, de déjeuner, et de partir pour l'université. Sans compter que maintenant, en plus, elle devait déposer sa fille au lycée en partant, ce qui rallongeait son trajet d'une bonne quinzaine de minutes. Des précieuses minutes qu'elle aurait volontiers passé dans son lit.
En grommelant, elle se leva, avant de filer sous la douche. L'eau fraiche coulant sur son visage et le long de son corps lui permit de reprendre ses esprits, et comme chaque matin, elle se réveilla enfin totalement, sa bonne humeur à nouveau revenue comme amenée par les gouttes jouant sur sa peau. Il était six heures trente lorsqu'elle se décida à sortir et sa serviette enroulée autour de son corps, elle se faufila discrètement dans la chambre de sa fille. Au dessus de son visage endormi, elle s'essora les cheveux, avant de partir dans un rire cristallin et de murmurer, délicatement. « Wake up, Charly. Faut que tu te prépares pour le lycée. » Puis elle la laissa seule dans sa chambre, rejoignant la grande cuisine style britannique qu'elle avait entièrement faite rénover l'année passée. Une indéniable fierté.
Charlavail était nouvelle dans son existence. Elle ne l'avait adoptée que quelques années auparavant quand, touchée par son grand regard intelligent, sa bonne humeur communicative et ses flots de paroles incessants, elle n'avait su se résoudre à la laisser là et à partir rejoindre sa petite vie bien dérangée de célibataire à trente ans. Pour une fois dans sa vie, Melody avait laissé de côté son égocentrisme primaire pour penser un peu à cette adolescente qu'elle laisserait seule. Un regard qu'elle n'oublierait pas de ci tôt et qui, sans aucun doute, pèserait sur sa conscience des années durant. Puis, enfin, elle s'était décidée à faire le seul choix convenable qui s'imposait à elle : s'occuper de cette jeune fille, lui offrir un véritable toit à elle sur la tête, s'enquérir de son bien-être, bref, à devenir une mère. Alors qu'elle avait d'abord craint pour son indépendance et pour sa liberté de femme excentrique, Charly avait eu tôt fait de la convaincre qu'elle n'avait pas de raison de s'inquiéter. Elle était aussi une femme assez indépendante, un trait de caractère qu'elle avait sans doute développé après la mort de ses parents biologiques, et ne s'opposait en rien à la liberté individuelle de sa nouvelle mère. Bref, elles s'entendaient à merveilles, et jusqu'alors, Melody n'avait pas la moindre raison de regretter son geste. Bien au contraire, elle en était chaque jour de plus en pus fière, heureuse aussi que sa fille ai fais barrage à cette sensation de solitude qui commençait, doucement mais surement, à étreindre le cœur de la professeur. Chacune d'elle avait apporté quelque chose à l'autre. L'échange équivalent.
Tout en songeant à Charly et aux bouleversements majeurs qu'elle avait apporté dans son existence, Melody préparait les pancakes, comme chaque matin. Leur quotidien était désormais bien rôdé, et elles s'étaient superbement bien habituées l'une à l'autre. Bref, c'était une réussite de tous les jours. « Bien dormi ? » lança-t-elle à sa fille alors qu'elle entendit les bruits de pas dans le couloir. « Tu préfères du sirop d'érable ou du nutella sur tes pancakes ? »