▬ breathe me ▬ lola et jesse.

Il entend les rires lui parvenir d’un ailleurs qui ne semble plus réel, il ne sait plus combien de verre il a bu, mais une chose est certaine c’est qu’il y en a un de trop, voir dix de trop, mais il ne l’avouera pas. Ca fait trop mal à l’intérieur de lui, c’est comme ça. Depuis toujours ou presque, depuis que Tamara n’est plus là. Alors il trouve la vie injuste pour changer et il boit une autre gorgée. Il ne réalise pas de suite qu’il ne supporte pas ou plutôt qu’il ne supporte plus entendre le rire des gens, il veut les faire taire, c’est comme ça, comme une envie viscérale qu’il ne peut contrôler … La vérité c’est qu’il est juste complétement déchiré, mais sur ce sujet aussi il se taira, Jesse il est doué pour se taire, n’est-ce pas ? Enfin ce n’est pas pour autant qu’il s’empêche de demander « Un autre verre s’il te plait. » Il parle dans le vent persuadé qu’une des serveuses l’entend. C’est à ce moment précis qu’un autre client choisit d’apparaitre, il le bouscule et Jesse manque de tomber de son tabouret. Il n’a pas remarqué, l’autre idiot, qu’il est en train de crever et qu’il espère le faire de la plus belle façon qui soit ? La plus moche quand on y réfléchit, mais l’esprit de Jesse n’a plus le cœur à réfléchir, il coule, mais bon sang, qu’est ce qu’il le fait bien, alors on le pardonne, pour son visage d’ange et cette douleur que semblent transpirer chaque pores de sa peau qu’il voudrait pouvoir abimer. Pourquoi on a jamais le courage de tout lâcher ? Pourquoi Jesse ne l’a pas ? Parce que c’est pour Tamara qu’il est là, c’est pour elle qu’il espère, comme un forcené, comme n’importe quoi. « Et l’ivrogne, bouge-toi. » Un sourire dément se place sur le visage de Jesse, il regarder l’homme qui vient de parler, et le fait est qu’il n’a aucune idée de ce qu’il vient de provoquer. C’est sans contrôler sa force que titubant il se lève pour aller éclater son poing dans la figure de celui qui vient de l’insulter.

22h00

J'ai commencé le boulot il y a 30 minutes. Il était déjà là. Il avait déjà bu... Bien sûr. Il a toujours déjà bu. Même quand il arrive après moi... Je l'ai vu sobre une fois et une fois il a failli m'arracher le coeur. Comme si j'avais un coeur assez grand pour en donner des bouts, même infimes, à des ivrognes. Même à des ivrognes plutôt polis.

Même Lindsey, qui aimait soupirer devant sa gueule d'ange s'est lassée de se l'inventer sobre et souriant.

22h30.

Il reprendra un verre. Ben tiens. Surprise. Je le lui sers avec un sourire de circonstance. Il ne me voit même pas. Trop enfermé dans son monde d'apitoiement. J'ai mieux à faire que le secouer, heureusement. Je suis sure que c'est un de ses mecs qui vous entrainent avec lui dans le gouffre, si vous tentez de l'en sortir.

Evidemment, ça ne fait qu'augmenter la tentation... Pour les cruches comme Lindsey... J'ai cru, un jour, qu'elle allait le supplier de l'inviter au cinéma... Lui, il n'a rien remarqué, évidemment.

23h02.

Oh it seemed forever stopped today
All the lonely hearts in London
Caught a plane and flew away
And all the best women are married
All the handsome men are gay
You feel deprived

Je chantonne avec Robbie... Yeah, are you questioning your size? Is there a tumor in your humour, are there ...Le plateau au bout de mon bras tressaute un peu, au rythme de mes pas, calqué sur celui de la musique. Allez, zou... Bonne humeur et sourire. Besoin de pourboires.

When there's no love in town...

Un clin d'oeil en empochant le billet, une plaisanterie... Prendre les commandes de la table à côté...

23h18

Un autre verre pour Jesse.

23h35

Putain, il veut déjà un autre verre, je l'entends... Avec son budget hebdomadaire,  je suis sure que je pourrais acheter au moins 2 paires de chaussures. Il tire une sale tronche. Pas que ça me surprenne, hein, mais ... D'ordinaire il sourit au moins. Il essaie.

Merde, je vais pas m'inquiéter pour un quasi inconnu?

Il a dit s'il te plait. Je n'ai même saisit que ça dans le brouhaha et, résignée, peut-être pour cette politesse presque incongrue, je me tourne vers le bar. Le whisky sec de monseiur est déjà prêt: c'est que l'on connait ses habitudes et ses préférences, à fo...

23h36

Le bruit très reconnaissable d'un poing qui cogne. Je sursaute, me retourne, cherche des yeux la source de... Lui? Je crois que j'en reste un instant bouche bée, persuadée que mes yeux doivent me tromper. Il tient à peine debout bon sang, et voilà que l'autre armoire à glace, avec ses cheveux en brosse et son sourire colgate lui balance son poing dans le ventre. Et merde. Et merde...

23h36 et quelques secondes.

Et merde! Je fais quoi, là? J'ai pas à me mêler aux clients qui se battent, c'est interdit, on a la sécurité pour ça, on a le patron, on a..; Les filles s'interposent pas, c'est la règle. Ca peut faire quoi une fille, à part hurler, griffer, se mettre en danger? Mais j'ai oublié mon plateau quelque part. Ou pas. Ou bien j'ai juste balancé le plateau à la gueule de l'inconnu trop sur de lui et je me suis accrochée à son bras en le suppliant, en voulant le raisonner...

23h37

...
Je savais pas que ça faisait si mal, s'écrouler au sol, entre une table et une chaise. Je les hais. Tous. Les hommes. Mes instincts. Mon besoin malade de l'aider, cet idiot qui ne veut pas être aidé... Je ferme les yeux, avec un gémissement, j'entends la voix de baryton de notre agent de sécurité. Merde. Heureusement que ça arrive ici et pas dans un des tripots minables où je bosse parfois...

23h45

Un torchon remplit de glaçons posé sur la joue, je lance un regard sombre sur le coupable. Car oui, c'est lui, le coupable... Je m'en fous de son histoire et du reste. Le patron aussi, visiblement. Être un habitué ne vous sauve pas de tout. Et Lindsey, cette dinde, qui croit approprié de glisser un « mais on le connait, il n'est jamais agressif... ». Quelle cruche...

Il donne des coups, en reçoit, il vit et meurt à la fois. Il se fiche de l’endroit où il se trouve, se défoule. Il a envie de le crever, vraiment s’il pouvait, il le ferait. Il ne regrette pas ses verres, non, loin de là, il se noyait avec l’alcool et il essaie une nouvelle façon de le faire en cognant plus que jamais. Donne, reçoit. Ne s’arrête pas. N’écoute pas les cris et ne voit pas. Si sa vision était brouillée par ce qui coule dans son sang, elle l’est encore plus maintenant par l’adrénaline qui ne veut plus redescendre, pas se calmer. Jesse quand il est dans cet état-là, il ne réalise pas qu’il est destructeur pour le monde mais pour lui aussi. Et il entrevoit une jeune fille qui vient se placer au milieu de la scène, il voudrait la pousser, l’envoyer valser, lui dire que ce n’est pas sa place, qu’elle ferait mieux de retourner bosser. Que le monde entier lui laisse le loisir extrême de creuser sa tombe de la manière qu’il voudra. Putain, il veut juste rejoindre Tamara. Mais le videur vient encercler son corps de ses bras, un autre son adversaire, si c’était si simple … Les battements du cœur de Jesse ne se calme pas, il en veut plus. Violent comme il sait l’être. Impulsif, et railleur, il en a des centaines de douleur à son cœur. Bien plus importantes que celles qu’il vient d’imposer à son extérieur, les cicatrices de ce genre finissent toujours par s’enfuir. Les autres … Perdurent et reste, à jamais. Il est marqué, tatoué. Il entend une jeune fille le défendre, il s’en moque ouvertement, secoue son visage et ses mains, prononce que « Ca va je suis calmer. » Mais c’est loin de la vérité, il envisage même de recommencer, troquer son envie de verre par celle de vouloir continuer à frapper. A tenter de faire comprendre à ce mec qu’on ne juge pas, que s’il est ivrogne alors lui est complétement idiot. Un enfoiré, comme on en fait que rarement, parce qu’il l’entend rire et Jesse il a du mal à remettre ses fichues pensées à en place, il s’en voudrait presque d’avoir trop bu et de ne pas avoir les idées assez claires. Mais quand il commence à soupirer afin de reprendre la parole, l’envoyer chier, ses prunelles se posent sur la jeune fille qui n’aurait pas dû être là. Le monde autour ne semble plus exister à ce moment-là. Il ne saurait dire pourquoi mais il a l’impression de la connaitre, que ses yeux de biches l’ont déjà regardé, ailleurs que dans l’habitacle. Sur son visage elle maintient de la glace et il prend un autre coup en voyant cela, imaginaire mais plus puissant que les autres, il n’en doute pas. S’approchant d’elle sans tenir droit, il a envie de caresser son visage pour tenter de l’apaiser, mais se retient et se contente de prononcer. « J’espère que tu ne souffres pas. » Ou pas trop en tous les cas. Il n’est pas mauvais Jesse, il ne sait juste pas vraiment comment gérer beaucoup de choses, pourtant il devrait. Il s’en veut, bon sang, et la culpabilité, ça il y est trop habitué. « Je suis désolé. » Pour ce que ça vaut, une chose est certaine de ce combat, il aurait préféré finir ko.

« J’espère que tu ne souffres pas. »

… Il en a de drôles, lui. je le fusille du regard. S'il pouvait tomber mort, là, tout de suite… ça me soulagerait. Je lève les yeux vers sa silhouette qui se détache, toute proche, sur le fond trop connu de ce bar. Je grimace légèrement: le simple mouvement de le regarder est douloureux. J'écrase sur mon arcade sourcilière la glace,a ver un grondement étouffé.

« Je suis désolé. »

Je n'ai pas moins envie de te frapper. Pas moins envie de pleurer. C'est toujours à moi que ça arrive, ces choses-là. Je t'aimais bien, j'ai pas réfléchis j'ai voulu t'aider. Je regrette. Je n'aurais jamais du m'en mêler…

« … Ca devient une habitude. »

Je le soupire, malgré moi, ce commentaire. Il me semble qu'il était désolé aussi, à la saint Valentin. De quoi, déjà? de ne pas pouvoir m'offrir plus que 7 minutes? Pas sure que j'aurais accepté… Les autres employés se remettent peu à peu en mouvement. Show must go on… Ainsi soit-il. Ce que tu veux. Comme tu veux.

«… Il semblerait qu'il y ait plein de serveuses connes prêtes à s'apitoyer sur ton sort… plein d'idiotes prêtes à espérer que tu souries… Ou juste que tu ne te ramasses pas trop fort.»

Un rire sec.

« Je suis conne… Et c'est même pas comme si je trouvais ça romantique ou touchant, tes habitudes… Même pas comme si je voulais t'aider. Mais tu vois? Tu fais un beau piège. Un piège parfait. Même quand on ne veut pas te baiser, on veut te protéger… On voudrait toutes te sauver..; Même moi.»


Je soupire…

«Je suis conne.. Et tu ne te souviens sans doute même pas de moi. Tu as fait quoi, après le speed dating? Tu es rentré chez toi? Tu t'es saoulé?»

Je suis bête, je suis revendicative, je suis méchante. Ca m'arrive, quand j'ai mal.