Il me déclare qu'il compte prendre et le steak et le regardant distraitement comme un parent impatient le ferait avec sa descendance, ce que je lui réponds se content d'être simple bref et concis.
- Prends ce que tu veux.
Ma voix est calme. Douce. Patiente malgré moi, malgré l'impatience qui me ronge actuellement et le désir naissant en moi de me jeter sur lui pour l'étrangler avec passion. Ce type est absolument et irrémédiablement détestable, tant et si bien que je me demande comment il est possible que l'éducation de parents puisse éventuellement aboutir en la création de ce ... spécimen bien particulier d'être humain. Impatient, impulsif, impétueux, rien n'est assez bien pour lui. Rendu fougueux par la jeunesse et son talent, rien ne l'inspire, rien ne l'émerveille, rien ne l'impressionne. Voilà qui fait partie d'une fraction select de la population, voilà qu'il peut se permettre de se compter parmi les rares personnes possédant assez d'influence ou assez de richesses pour faire partie des fameux VIP du festival ... Voilà qu'il dispose de vacances calmes, tous frais compris, avec un homme des plus patients et des plus attentifs, bien que celui-ci tente de le dissimuler par tous les moyens ... Et pourtant, depuis notre arrivée ici, Lysander ne fait que de râler. J'aurais dû m'en douter. Pour lui, les choses n'étaient jamais assez bien, assez réussies. Rien n'était jamais parfait, comme si la vie l'avait blasé avant même qu'il ne sorte du Vénus de sa mère et que depuis, son regard cynique et hautain ne se rabaisse jamais au stade de la satisfaction, aussi pur et suffisant soit-il pour le bien-être individuel. Triste et sombre réalité. Quel enfant pourri gâté. La rancune générée en moi ne me ressemble pas, et pourtant, je suis incapable de m'en débarrasser. C'est de sa faute s'il n'est pas content. Moi, je lui ai tout donné. C'est de sa faute, si rien ne lui plait. Moi, j'ai vraiment tout fait. Je ne veux pas admettre que cela me blesse, et pourtant, c'est bel et bien le cas. Lorsque Lysander exprime son désir de me renverser un bol de soupe chaude sur la tête, je me résigne à ne pas lui répondre, murmurant malgré tout d'une voix à peine audible :
- Bon, ce sera une salade, tout compte fait.
Pensant alors l'incident clos, je souris légèrement en voyant James revenir afin de s'occuper de nous. Ce n'est que lorsque Lys commence à parler que mon sourire se crispe légèrement avant de se volatiliser entièrement de mon visage, mon cerveau étant trop concentré sur l'envie irrépressible de l'étouffer à l'aide d'un des petits pains soigneusement mis à notre disposition dans le panier en osier présenté au centre de la table. Fusillant boucles de bronze du regard, je le regarde silencieusement jouer le fier, jouer au paon, avant d'observer James, dépité, en train de rebrousser chemin, la queue entre les jambes. La rage semble être revenue, désormais. Bouillonnant dans mes veines, elle me pousse à avoir envie de le détruire. Cela faisait pourtant un bon moment qu'on était bien, tous les deux ... Que je ne m'étais pas mis dans cet état là. Cette fois-ci, cependant ... Il était allé bien trop loin. Lorsqu'il prétexte ne pas être ma "poupée", c'est d'un regard glacial et tranchant que je le toise.
- Je sais. Une poupée, ça ne fait pas n'importe quoi. Ça se contente de se taire et d'être joli.
Je tente de rester calme mais mes yeux trahissent très certainement mes réelles émotions. Et pourtant, je ne veux pas le confronter. Je ne veux pas lui parler. Pas ici, pas maintenant, pas devant tout le monde. Je pourrai fuir, mais cela serait lui donner raison. Me soumettre à lui, lui donner victoire ... Et ça, cela je ne le tolèrerai pas. Il n'a pas à détruire l'image que les personnes me connaissant ont de moi. Il n'a pas a étaler ma vie privée en public. Il n'a pas ... Il n'a pas à chercher à gâcher ma vie par tous les moyens. Me taisant alors, je regarde mes mains. Elles tremblent légèrement, cramponnées à mes genoux par le biais de mes doigts. Relevant une dernière fois mon regard vers le sien, dénué de repentir ou de culpabilité, fier, plutôt, incroyablement fier de son incroyable connerie ... Je lui envoie un message à l'aide de mes iris bleutées. Tu veux la guerre ? Soit. Tu l'auras. Et sur ces pensées, je me fais la promesse de ne plus lui adresser la parole de la soirée. De ne plus lui sourire. Et même pendant plus longtemps, si nécessaire. Et cette promesse ... Je m'y tiendrai. En rentrant, il en prendrait pour son grade, le petit Lysander. En rentrant, il verra ce que c'est que de contrarier Peter.