Take me away.
Hiroki & Yuann & Gia.
Qui sont-ils ? Je n’en sais rien. Ce que je constate, c’est qu’ils viennent avec mon hélicoptère. Des secours ? Je ne sais pas. Ils portent tous la même tenue, je n’arrive pas à les différencier. Le dos contre l’arbre, le cœur au bord des lèvres et l’adrénaline qui monte petit à petit en moi, je regarde au loin, essayant de deviner ce qu’il s’y passe. Les hommes que j’ai doublé, évincés quelques secondes se rapprochent en même temps. Mais je veux voir, je veux savoir. Le temps passe et je peux observer deux personnes sortir sous la protection du groupe. Pendant une seconde, j’imagine que c’est Yuann mais non… je ne vois pas qui il pourrait amener avec lui. Je sais qu’il a retrouvé son frère, Hiroki, anciennement une aventure mais… pas ici. Il ne lui a pas laissé entrevoir mon secret. Il n’aurait pas osé ? Mais je n’ai pas le temps de réfléchir, j’entends les pas se rapprocher, je tourne la tête et manque de peu de me faire exploser la tête quand l’un tire sur l’arbre.
Là-bas… ils sont en conflit avec mon cousin. Soient ils veulent le tuer. Soient ils viennent me sauver.
Je dois en avoir le cœur net. Mais je ne peux sortir comme ça, je ne suis pas armée, un simple couteau ne faisait pas le poids face à deux kalach’. Que faire ? Ils approchent et je suis incapable de me défendre. Ou si… Tendant les bras vers le haut, sautant un peu, j’arrive à prendre de la hauteur, à ne plus être visible aux yeux de mes assaillants. Je ne peux pas avoir les deux en même temps, mais je dois y aller là-bas, la fusillade fuse et je ne peux pas leur prouver que je suis là. Parce que je le sais… il serait capable de mentir. Mais ils ne pourront jamais partir sans les avoir tous dégommer. Courage, Gia, tu peux y arriver. Un mois que tu les fuis, ce n’est pas quand ils sont au moment où ils sont les plus vulnérables que tu dois faiblir aussi ! C’est de façon impulsive que je me décide, me laissant tomber sur celui de gauche et faisant frémir l’autre qui frappe l’arbre de quelques balles. Je mets un coup de poing à l’autre con au sol avant de tourner les yeux et me retrouver face à l’autre, l’arme pointée sur moi.
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En même temps dans les locaux où se déroulait la fusillade entre les deux forces qu’on put entendre du côté de Yuann des mots qui jasent dans les talkies walkies.
«
Cible repérée, je répète : cible repérée et en difficulté ! » crachait l’un des hommes de sécurité.
L’as-tu entendu, Yuann ? Cet espoir naissant. Cette possibilité de perdre la personne pour qui tu es venue mourir sous tes yeux. Ne pas pouvoir sauver à temps. Je l’ai connu moi aussi. A simple différence que je n’ai pas pu la sauver, que je n’ai pas pu empêcher sa mort. Tu le pourras toi ?
Un homme crache dans son talkie à cause de toi, tu l’entends ?
«
Alpha 4, Alpha 6, allez à son renfort ! » Je crois même qu’il t’a postillonné dessus. – ah ah.
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«
A genoux ! Les mains sur la tête ! »
L’homme me regarde, il a peur. Il sait qu’il y a une guerre à une centaine de mètres d’eux. Je suis obligée de lui obéir. Mes genoux rencontrent le sol, mes mains se glissent dans ma chevelure sale et emmêlée. Il y a bien ce couteau, dans le dos, mais il me tuera avant que je ne glisse la main dans mon dos.
Mais ce jour… ce jour-ci, est rempli d’espoirs… de chances.
Deux balles frôlent cet homme qui m’a mise en joute, deux balles, deux secondes qui me permettent de faire ce que je voulais. Et cette chaleur, ce liquide rouge et chaud qui explose et s’écoule sur ma peau. Un soulagement. Il tombe sur le sol mais je n’y prête pas attention, je regarde ces hommes qui courent en ma direction.
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«
Ici Alpha 6, la cible est en sécurité. A vous, Alpha 1 ! »
Combien de temps ? Avant d’être sûr. Parce que de ton côté, c’est encore difficile à dire si tu peux continuer à avancer. Ils sont plus coriaces qu’au début.
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Je suis rassurée. Yuann… est là. Hiroki aussi. Je verrais plus tard pour les remontrances, je veux rentrer, je veux me doucher, je veux … non. Je ne veux pas ça. Je me rends compte que je veux en terminer. Que je veux me venger, je ne l’ai pas oublié. Mais le bonheur d’être sauvée, vous comprenez ? Je m’essuie un peu le bras, je prends l’arme et les munitions du mec que j’ai sonné et le laisse ainsi dans les vapes. Il y a bien assez de personnes mortes.
Ils ne se doutent pas qu’à ce moment, la situation se retourne contre eux. « Eux » ? Ceux avec mon cousin. Ils ne savent pas. Que j’ai le culot, que j’ai décidé qu’ils allaient manger, payé pour ce qui a été fait. Que nous étions entrés par les cuisines, que nous montions lentement les escaliers. Mon cœur bats si fort dans ma poitrine, je pourrais presque l’entendre. Les tirs se font proches. Ils sont dans le couloir, nous sommes à côté. Ils sont dix, nous trois.
En face, nous sommes à présent vingt. Je crois que c’est Alpha 4 … ou Alpha 6, je ne sais pas… je n’arrive pas à retenir, j’ai d’autres choses en tête. Ils disent d’attendre, mais je bouillonne. Il est là ce merdeux, il se cache, je suis sûre qu’il se met en arrière juste pour être protéger. Quel lâche, comme toujours, il a fait le beau mais quand il sent que tout lui échappe, il n’y a plus personne. Il va partir si on ne réagit pas.
«
Mais, merde, putain ! » crachais-je alors que je prenais le truc qui pendait sur le côté gauche de son blouson.
Je ne pouvais pas me retenir, trop de temps loin de tout, trop de temps sous pression. J’ai accumulé trop de haine, de rage, de frustration pour attendre que d’autres se fassent tuer, que la vie de Yuann et d’Hiroki sont en jeu. Je pousse l’alpha dog pour regarder où c’en est. Je me rends compte que ce n’est pas vraiment un couloir, mais plutôt aussi grand qu’un entrepôt, c’est large et surtout, ils se sont bien séparés.
«
Prendi ciò nella testa, figlio di pute! (Prends ça dans la tête, fils de pute !) »
Je dégoupille et envoie la « balle » sur lui, celle-ci explosant, pas assez à mon goût mais assez pour en exploser un et en projeter plusieurs. Il y avait comme une satisfaction naissante en moi, comme si ça me faisait plaisir qu’ils aient mal. Malgré le regard dépité de deux agents qui sont avec moi, je cours dans la direction de « notre » groupe sous la protection des agents qui nous couvraient. La respiration haletante, je lève les yeux pour voir qui reste parmi nous. Mon regard trouve celui de Yuann.
Oui, j’ai changé. Je suis sale, les plaies rougeoyantes sont imprimés sur l’ensemble de mon corps, le sang encore frais sèche sur mon bras et mes joues – ce n’est pas le mien celui-là, je suis fatiguée, plus moche que jamais, et l’odeur… je suis sûre qu’on ne l’a pas remarqué à cause de la poudre qui fuse de toute part des armes. Je ne sais pas quoi dire à Yuann, je ne sais pas quoi faire. Je sais seulement que le groupe ne nous attend pas, ils s’occupent des derniers survivants du camp adversaire. Mes yeux se déportent finalement sur Hiroki, je suis un peu perturbée de le voir dans ce contexte. La dernière fois que je l’ai vu, nous discutions autour d’un café pour se réconcilier.
Finalement, je laisse ma bouche s’exprimer :
«
T’es venu, alors… ça te va pas la tenue de commando. » Comme si je le taquinais, comme si rien n’avait changé, comme si je n’étais pas sale et puante, mais plutôt bien habillée en attendant que la réunion commence, à le taquiner.
Je ris. Ça fait du bien de voir des têtes que l’on connait bien. Ça fait du bien de retrouver des personnes auxquels on tient. De retrouver des gens qui ne nous veulent pas du mal, surtout. La bataille fait rage mais là, se revoir après autant de temps, j’ai du mal à décoller. Pourtant, l’adrénaline me parcourt encore… Je suis prête.