He broke my heart. You merely broke my life. ~ Eze

Les journées défilent, tout comme les clients. Certaines journées sont monotones, répétitives. Certains rendez-vous, bien sûr, valent plus la peine que d’autres, et te remplissent d’excitation par le simple énoncé de leur existence. Tu n’as pas nécessairement besoin de cet argent extra, tu le sais. Pourtant, ça fait du bien de l’avoir. Ce n’est pas seulement une raison de féminisme, le fait de savoir que tu apportes de l’argent dans la famille, tout comme ton époux. C’est aussi pour une simple question de goût. Tu avais essayé, et finalement, tu as aimé le faire. Tu n’es pas une prostituée, tout en étant capable de fournir un certain plaisir – jamais trop poussé – à tes clients. Ça te donne une joie tordue de savoir que tu le fais à l’insu de ton époux, sachant qu’il désapprouverait et qu’il rentrerait dans une rage folle. D’ailleurs, c’est peut-être une des raisons qui te pousse à le faire : l’excitation, l’attendre; il finira par le découvrir, et lorsqu’il le fera, ce sera explosif. Alors tu crains tout en appelant cette découverte, dans un désir pervers de le voir s’énerver contre toi. Votre relation est beaucoup trop destructive, tu le sais – pourtant, tu ne peux t’en empêcher.

Ce matin, alors que tu es arrivée au spa, une amie t’a demandée une faveur exceptionnelle : prendre un de ses clients. En effet, elle devait partir à une réunion inattendue parents-professeurs, qu’elle ne pouvait absolument pas raté. La connaissant, tu savais qu’elle ne te le demanderait pas si ce n’était pas absolument nécessaire, alors tu acceptas le sourire aux lèvres. Elle avait oublié le nom du client, mais connaissait juste l’heure : quatre heures de l’après-midi. C’était pile à la fin de ta journée, mais, en ayant eu une bonne, avec des clients satisfaits du service, et donc polis, tu ne regrettas pas ton choix. Si ça se trouve, ce client sera la cerise sur le gâteau, et conclura la soirée avec un pourboire suffisant pour que tu puisses aller t’acheter une petite gâterie sur le chemin du retour, quelque chose en tout genre. Dix minutes avant l’arrivée du client, tu entras dans la salle pour vérifier que tout était bien mit en place. Une fois ceci fait, tu réajustas ta tenue, et attendit le mystérieux client tant attendu dans la salle. Tu te retrouvais d’ailleurs derrière le paravent lorsque la porte s’ouvrir, souhaitant replacer quelque chose avant son arrivée.

-Bonjour. Vous pouvez vous changer derrière ce paravent, il y a une pile de serviette que vous pouvez utiliser.

Tu sortis de derrière ta cachette pour accueillir l’homme, et tu crus rêver. En face de toi, ce tenait Ezechiel, ton ancien amant. Tu avais rompu car il était trop parfait – ton époux se rendait compte de votre relation. Il y avait eu d’autres raisons, bien sûr, mais c’était celle derrière laquelle tu te cachais le plus souvent, histoire de nier les autres possibles raisons. Tu l’avais apprécié, cet homme – tu l’avais même aimé. Mais le voir, ici, dans cette salle, c’était quelque chose d’inattendu.

-Tu… Tu reçois souvent des massages ici?

T'éloignant du paravent, tu lui fis signe qu'il pouvait s'approcher, et avanças vers la table de massage, quelque peu nerveuse. Ça risque d'être une longue heure.

-Pour quel genre de massage t'es-tu, déjà?

Trop de choses qui m’arrivent en ce moment. Je sais que ça ne fait que deux mois que j’entame les procédures de divorce avec Magdalene mais on ne peut pas dire que je sois très motivé à cette idée. La voir disparaitre de ma vie alors que nous avions quand même vingt années de vie commune ensemble, que nous avions un fils ensemble, tout ça balayer en un divorce pour une maitresse, pour une seule erreur alors que bien des hommes étaient pardonnés. Dans un sens, je ne regrette pas le divorce, simplement de ne pas l’avoir fait avant de vivre mon histoire avec Eislinn car maintenant, tout le monde me tombe sur le dos, que ce soit ma femme, mon fils, ma famille ou même des anciens collègues qui me font part de leur déception vis-à-vis de mon comportement. J’ai compris mes erreurs mais ils s’évertuent tous à me le rappeler dès que j’ai le malheur de vouloir être heureux. La seule personne qui me donne la flamme et la force de vivre, c’est Babylone. Rencontre récente et pourtant, en un seul regard, je me sens prêt à soulever le monde pour qu’elle m’aime. Mais pour l’instant, je compte surtout me détendre parce que je commence à en ressentir le besoin.

L.A SPA. Un rendez-vous le lendemain de ma décision, un bon moment à passer à recevoir un bon massage. Simplement un massage, hein. J’ai entendu des rumeurs mais je n’y fais pas attention. C’est absurde. On me désigne alors la salle où la masseuse m’attend et j’entre sans vraiment faire attention à la voix qui m’indique des serviettes. Je vais pour en prendre une alors que mes yeux se posent sur elle, la masseuse. Qui n’est d’autre qu’Eislinn. J’entrouvre les lèvres, sous la surprise. A vrai dire, je ne me sens pas prêt de me faire toucher à nouveau par elle. J’ai… j’ai peur de refaire revivre quelque chose en moi de malsain. Je manque presque de lui répondre.

« N… Non… A vrai dire, c’est la première fois. J’ai besoin de me détendre. »

Je serre la serviette entre mes doigts. D’un sens, ce serait bizarre si je demande une autre personne pour ça. Ses supérieurs risquent de se poser des questions et de la virer parce que je n’ai pas voulu qu’elle me masse. Je n’ai pas envie de lui causer plus de soucis de plus que ses retrouvailles. Elle m’interroge de nouveau :

« Juste du corps… pour me détendre… tout ce qu’il y a plus de normal… je crois… non ? » Après tout, je ne vois pas pourquoi ça en serait autrement.

« Je vais… me changer, alors. »

Je grimace puis me glisse derrière le paravent. Il ne me cachait pas vraiment. Sa hauteur m’arrivait au niveau des épaules mais c’est assez pour cacher mon corps quand j’enlève mes vêtements et passe une serviette autour de mes hanches. Je prends une légère inspiration avant de revenir vers elle. Je ne savais pas trop quoi faire, je ne sais que ce que l’on m’a dit.

« Ben… voilà… je… je m’assois ? » Ou je m’allonge ? Je n’en sais rien. Je ne sais plus rien en sa présence.