Appel de Heloise à Teru

Il me panique avec son message. Je l’ai écouté en cours et ça ne se fait pas, mais je profite de l’inattention du professeur pour m’échapper et le rappeler. « C’est moi. Ça va pas ? Tu vas bien ? Il se passe quoi…. ? »

Aussitôt que j'entendis mon téléphone sonner, je le saisis et décrochais, ne cessant plus de faire les cent pas. "Helo! C'est ... c'est Toma. Toma va pas bien du tout, les médecins veulent rien me dire, mais il dort depuis plus de quinze heures et ne s'est toujours pas réveillé. " Je déglutis en serrant les dents, effrayé jusqu'au bout des doigts. Heureusement que Levi était là pour faire office de soutien, même si lui-même était clairement chamboulé par l'aggravation de l'état de santé de son cousin.

Je regarde vers ma salle de cours et entre à nouveau dedans pour reprendre mes affaires en m’excusant avant de repartir dans le couloir. Je sens sa panique, je sens qu’il a besoin de moi. De nous. Et puis, Toma m’a tellement bien accueilli en m’acceptant chez eux et dans leur vie. Pitié, ne le laissez pas mourir. « Vous êtes à l’hôpital ? »

" Hm... oui, enfin... Levi est parti chercher Lilo. " Je me mis à ronger un de mes ongles, inquiet, mais soulagé d'entendre sa voix et de savoir qu'elle était présente.

« D’accord. » J’avance dans les couloirs assez rapidement, merci les baskets. « J’arrive alors, je mettrai le haut-parleur dans la voiture, comme ça, on restera ensemble. Ça va aller. Il est fort d’accord ? Tu dois avoir confiance en lui. »

Je finis par me calmer un peu en l'écoutant, m'asseyant néanmoins sur un banc pour taper du pied en compensation de ma nervosité. " En décembre, il... il m'a fait signer des papiers, pour... " Je me passais une main sur le front et m'agrippais les cheveux. " Il est vraiment en train de mourir, putain... c'est vraiment en train arriver. "

Je me fige sur ses paroles alors que je quitte le bâtiment. Il est temps de me servir de ce que j’ai appris je crois. « Chéri… écoute-moi attentivement. » Je me mets sous un arbre. « Toma n’est pas en train de mourir mon cœur, il est en train de se battre pour ne pas que ça arrive. Il tient tellement à Lilo et à toi, ça se voit quand il vous regarde et du peu que j’en ai vu, je n’ai jamais vu un mourant en le voyant mais un homme prêt à tout tenter pour rester ici. La maladie gagne du terrain, mais elle ne l’a pas encore achevée et si toi tu commences à ne plus y croire, alors comment tu veux qu’il y arrive pleinement ? » Je me remets à marcher. « Il a besoin que tu crois en lui et Lilo a besoin de voir que tu as encore de l’espoir. D’accord ? »

Le fait qu'elle me demande de l'écouter me poussa à me calmer un tout petit peu, modifiant mon angoisse en une inquiétude sourde... et plus elle parlait, plus mon pied tapait lentement le sol, jusqu'à presque s'arrêter. Elle avait raison, je ne pouvais pas céder à la panique de la sorte... il fallait que je me reprenne... mais elle ne l'avait pas vu faire son malaise, elle. Ni celui-ci, ni celui qui avait suivi sa bagarre contre le type qui... et ces papiers que Toma m'avait fait signer pour la garde de la petite... ça sonnait dans ma tête comme une partie de ses dernières volontés. Il l'avait dit lui-même... il avait 96% de chances d'y passer et ça faisait au moins deux mois qu'ils aurait du être astreint à l’hôpital.

Je restais donc muet pendant de longues secondes, ressassant la chronologie de ma relation avec l’Hawaïen et sa fille. "D'accord... tu as raison." Mon regard vitreux se perdit sur une tâche contre le mur. Je devais protéger Lilo de ça. Toma avait tout fait pour qu'elle continue de sourire jusqu'à présent... même s'il n'arrivait même plus à la soulever dans ses bras. "Merci de m'avoir rappelé."

Raison oui et non. Je comprends tellement sa panique, mais si je ne garde pas la tête sur les épaules, sa sensibilité va lui faire perdre la sienne. Je le connais par cœur même si nous ne sommes pas ensemble depuis longtemps. Je sais comment il fonctionne et c’est sans doute ça l’équilibre de notre couple. « Mon chéri, même agonisante, je t’appellerai pour t’aider. » Je ris doucement avant de monter dans ma voiture et de brancher le téléphone en main libre. Je me fige quelques instants quand un léger malaise me prend à mon tour. Cette foutue fatigue ne me fiche pas la paix depuis quelques jours. Argh… « Je suis en voiture. » Je prends un peu de temps avant de démarrer le moteur et de m’en aller vers Northeast et l’hôpital.