THE TROUBLEMAKER
Qui aurait pu le croire ? Aaron Campbell de retour dans les bars branchés de la ville après deux années à préférer le côté sage du foyer, là où plaisir et tendresse lui étaient très souvent garantis, acquis même. Là où, par inexpérience, il avait oublié d’entretenir la flamme. Bien sûr, il faut qu’une femme soit dans l’équation, ou plutôt qu’elle en sorte … pour encore chambouler la vie de ce dandy moderne. Mais ce soir, au diable tout cet espoir qu’il nourrit jour après jour à l’encontre de cette précieuse Italienne. Au diable ce destin qui ne semble plus vouloir sourire dans sa direction. Dans ce bar, en compagnie de quelques autres joyeux lurons, il ne sait pas en quel honneur il boit, il ne retient pas la moitié des prénoms de ces filles qui s’amènent à la grande table et repartent, après avoir obtenu sourires et mots doux maladroits. Il prend le bon temps qui lui est offert sans se soucier du reste, le reste il l’oublie, comme il sait si bien le faire, à sa manière …
Même quand ses pas le guident à l’extérieur du bâtiment, le trentenaire ne songe pas à cette nuit seul qu’il va passer, encore. Sa voix tonne dans la rue, accompagnée de rires et de levées de bras victorieux. Grâce au whisky, ces hommes ont à nouveau vingt ans, se fichant éperdument des qu’en dira-t-on passagers. Qu’ont-ils à craindre, dans le for intérieur, puisqu’ils ne sont en réalité plus ces gamins ? Que la vie leur réussit, malgré tout, et qu’ils ont tout pour eux ? Aaron porte la joie de vivre sur lui et il n’est pas prêt de la laisser s’envoler, pas avant de nombreuses heures encore. C’est si bon, d’oublier ses problèmes et de ne plus sentir le poids des responsabilités quotidiennes. Ça n’a pas de prix … Enfin si, celui de quelques billets verts à peine. Un rien à ses yeux.
Pourtant, il se retrouve bientôt seul dans l’obscurité, après le tournant de la grande rue. Et si la solitude ne le dérange pas tant que ça, bien décidé à ne pas tuer une aussi bonne soirée de sitôt, retrouver sa maison semble être une mission bien plus délicate. Tout du moins, lui n'est pas troublé par ce portail qui ne ressemble pas au sien, ni par cette voiture garée dans l'allée, loin du format de sa BMW. Plus rien ne semble perturber le photographe quand il s'approche de la porte, la démarche quelque peu bancale, et qu'il sort les clefs de sa poche pour retrouver son chez-lui … Ce qui est d'autant plus drôle, c'est cet air d'abord intrigué qui apparaît sur son visage quand il comprend que la clé n'est pas la bonne, à défaut que ce soit la serrure qui soit mauvaise. Après l'étonnement vient la contrariété, elle un peu plus expressive. Il force, comme tous les hommes de ce monde, trop persuadé que c'est son taux d'alcoolémie qui lui joue des tours. Evidemment, cela ne peut pas être lui le fautif, dans l'histoire. Satanée porte qui refuse de coopérer ! Les voisins insomniaques pourront bientôt se demander ce que cet homme est en train de fabriquer, là, à une heure passée, sur le pas d'une maison qui n'est même pas la sienne …
Vois-tu, mon petit, tout dépend de l'aplomb, ici. Un homme un peu malin devient plus facilement ministre que chef de bureau. Il faut s'imposer et non pas demander. Maupassant