how to seduce ﹣ solomon

Elle retourne son troisième shot de vodka sur le comptoir du bar d’un geste brusque et déterminé. Déterminée ce soir elle l’est. Siam s’est apprêtée, elle a enfilé une robe légère en dentelle blanche, des bottines camelles et s’est maquillée un peu, jamais trop. Des touches de son parfum s’envolent dans les airs. Ce soir elle a décidé de sortir et surtout de séduire.

Un bar, parce qu’elle n’aime pas l’inconfort et la promiscuité des boîtes de nuit … Pour les rencontres, elle, elle préfère l’ambiance tamisée et chaleureuse des bars branchés.

L’alcool fort passe difficilement dans sa gorge mais facilement dans son sang lui offrant l’assurance dont elle manque sûrement. Elle observe d’un regard circulaire les visages des personnes qui occupent le bar et remarque rapidement ce blond au physique atypique qu’elle a croisé à la soirée d’Owen quelques jours auparavant. Sans hésiter une seconde de plus, Siam se lève de sa chaise haute et le rejoint pour lui demander dans un sourire : « Je peux m’asseoir ? » Il ne se souvient peut-être pas d’elle, lors de cette soirée, ils ne se sont échangés que quelques mots, quelques regards. Mais ce soir, Siam compte bien rattraper ce retard. Le temps qu’il ne réponde, elle s’attarde sur ses cheveux longs et cette grosse barbe qui cache un visage fin et d’intenses yeux bleus que sa peau halée fait ressortir. Il est beau, elle le trouve beau et se dit que les choses vont peut-être être plus faciles qu’elle ne l’imaginait. Elle, cette femme qui n’a pas séduit depuis des années enfermée dans le quotidien d’une vie de couple, d’époux.  « On s’est croisé chez Owen je crois … » Siam tente, a peur d’être maladroite, mais tente malgré tout. Qu’a-t-elle à perdre si ce n’est un peu d’estime et de fierté ? Pas grand-chose à côté de ce qu’elle a déjà perdu.  

Tu regardes le liquide ambré dans ton verre, pensif, à des centaines de kilomètres de là. T’aimerais qu’il en soit de même de ton corps, mais il ne veut pas bouger. Tes pensées s’embrouillent si bien que tu ne sais plus où donner ton attention, alors tu vides d’une traite le contenu de ton verre avant d’en demander un autre. La sensation dans ta gorge ranime les synapses de ton cerveau et tu te sens un peu mieux, le troisième verre te fait toujours cet effet-là. Voilà à quoi t’en es réduit, à courir après l’ivresse, cet état second qui te rend invincible, l’espace de quelques heures certes. Au moment où le barman t’en sert enfin un autre, une jeune femme vient te rejoindre. Tu lèves la tête vers elle, surpris. C’est rare que les jolies filles t’accostent, enfin peut-être que si mais tu crois tellement pas en ton charme que ça te fout à terre à chaque fois. « Euh, ouais, bien sûr » que tu lui réponds enfin. Son visage te dit quelque chose mais t’arrives pas à le replacer, c’est pas un plan drague, les belles femmes te marquent assez pour leur allure te soit familière mais visiblement pas assez pour te souvenir des circonstances, des lieux et des prénoms, une mémoire dont la sélection te joue souvent des tours. « Ah oui, c’est vrai ! » tu t’exclames finalement avec entrain, bien contant qu’elle ait apporté une réponse à tes questions. Tu te souviens maintenant que tu l’avais repérer parmi la foule, c’était l’une des rares à être au-dessus de vingt-cinq ans de quoi te permettre d’espérer plus, qui sait, mais bon, tu comprends pas que ce soit pas fait, enfin que vous ayez pas été mieux présentés. « Tu bois quelques chose ? » T’aurais peut-être dû la vouvoyer non ? Oui ? Oh tant pis, ce qui est fait est fait, tant qu’à faire, vous ferez mieux connaissance comme ça. « Au fait je m’appelle Solomon »

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I CAN LIVE UNDERWATER

When I fall to my feet wearing my heart on my sleeve, all I see just don't make sense. Because all I need is the love you breathe. signature by anaëlle.

A son arrivée, il affiche un air surpris. Il n’attendait la compagnie de personne ce soir, c’est ce que comprend Siam, une main posée sur le dossier du tabouret quand enfin, après ce qu’elle prend pour de longues minutes d’attentes, il l’autorise à s’asseoir. Siam ne se fait pas prier et vient prendre cette place vide au comptoir juste à côté de lui. Ses yeux bleus s’arrêtent sur son visage songeur, sans un bruit. Le scrutent alors qu’il semble chercher, chercher où il a oublié son visage. Siam n’est pas vexée de cet oubli, loin de là, elle est heureuse d’apprendre qu’elle lui dit quelque chose, que ses traits l’ont marqué comme elle n’avait pas oublié les siens … Comme elle les avait remarqué ce fameux soir … Puis l’homme se remet avec entrain cette soirée, un souvenir presque commun. Presque, parce qu’à part quelques regards, ce soir-là, ils n’ont malheureusement rien pu échanger de plus. Siam lui sourit et accepte volontiers ce verre qu’il lui propose. « Un gin tonic s’il te plait. » Un verre, c’est un premier pas, une première étape dans l’univers des rencontres non ? Siam se fait des schémas, des films dans sa tête … Cela fait onze ans qu’elle n’a pas joué le jeu de la séduction et le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle est rouillée, maladroite … Elle se fiche du tutoiement qui n’aide qu’à la mettre un peu plus à l’aise. Tout comme ce verre qui arrive et dont elle boit une gorgée. « Siam. » Son nom lui rappelle les histoires mythiques qu’on lui contait plus jeune et que partagent les religions. Des histoires qui l’ont toujours fascinée. « Solomon, je dois comprendre que tu es un roi et que tu es plein de sagesse ? » Elle sourit, se moque un peu de lui. Un nom est un nom. Un choix symbolique ou esthétique fait par des parents et par une famille aimante ou non … Siam ne sait même pas de quelle origine ou fantaisie elle détient le sien. Poser cette question était peut-être inapproprié. « On a pas eu le temps de faire vraiment connaissance à la soirée d’Owen … » Elle hésite l’espace d’une seconde, baissant la tête mais la remontant aussitôt sur lui pour continuer sur sa lancée. « Je me disais qu’on devait rattraper ça. » Elle se mord la lèvre, faussement timide. Ses doigts jouent avec le verre qu’elle tient entre les mains. Elle parle un langage codé, mais pas tant que ça pour celui qui saura l’écouter.

Tes prunelles la caressent, doucement, presque timidement. La surprise t’immobilise et fait naitre bon nombre d’interrogations dans ta boîte crânienne. Tes yeux posés sur elle ne font qu’accentuer ton sentiment, une aussi jolie femme à tes côtés, tu te sens défaillir sur le coup de l’incompréhension mais un sourire suffit à balayer tout ça. Tu te laisses guider par ta philosophie épicurienne habituelle, à quoi bon se perdre en question au risque de tourner le dos à l’instant présent. Une aussi belle femme mérite que tu lui accordes toute ton attention. « Un gin et la même chose pour ma part » Tu repasses en mémoire le contenu de ton portefeuille, et tes prières silencieuses s’en vont implorer tous les dieux monothéistes de ta connaissance, tu les conjures de t’avoir fait prendre plus de billets qu’à l’accoutumée, bien qu’au fond  tes entrailles te susurrent qu’aucun changement ne pourra être opéré. « Il te va bien » tes lèves laissent échapper avec un sourire sincère. Cela sonne à tes oreilles comme un stratagème de drague maladroit et tu regrettes immédiatement ton manque de censure, heureusement, le ridicule ne te foutra pas les tripes à l’air. « Je suis prof de philo et vu que la philo signifie aimer la sagesse, je pense que tu as ta réponse » un rire fait trembler ta poitrine, signe que tu es loin d’être sérieux et que tu la suis volontiers dans sa raillerie de ta propre personne. Tu sens tes muscles se détendre peu à peu et ta confiance croître. Les verres que le barman déposent devant vous est la distraction dont tu as besoin pour échapper à cette scène perturbante qui a le don de te faire perdre tes moyens. Tu te croirais retourner à un état de pré-pubère devant la toute première jolie fille qui a croisé ton chemin. « Je ne peux qu’accepter une telle proposition ! » Tu dévoiles une belle rangée de dents en lui faisant passer son verre. Il est temps que tu remontes sur cette monture et que tu la chevauches avec assurance, pas la fille mais ce destrier invisible qui semble se dérober sous toi. « Je te propose qu’on le fasse d’une manière intéressante ! » Ta voix se fait plus enjouée, plus dynamique. « On fait une supposition sur l’autre chacun son tour, si par exemple j’ai juste, tu dois boire et si j’ai faux, je bois, qu’en dis-tu ? »