family time | ft. clarence

Ah, la famille. Malgré tous les efforts que tu as pu mettre pour t'en éloigner, il reste que tu ne peux complètement t'en dissocier. Tes frères, ta soeur et tes parents. Si tu as tenté de couper les ponts au mieux depuis ta transformation radicale, l'orgueil et la honte qui t'ont permis de t'en tenir à ces nouvelles convictions sont maintenant vaincues par l'envie, le besoin urgent de te sentir liée à quelqu'un. Et qui de mieux que ceux qui partagent ton sang, des souvenirs et une vie commune. Clarence, le grand frère, le super héros de la famille qui t'aime tant et que tu admires énormément. Le jeune homme qui en deviendra un grand et qui se promet déjà un bel avenir. Si ce n'est pas dans les lignes écrites du ciel, c'est pourtant d'une évidence sans équivoque.

La décision à prendre fut complexe. Aller le voir, ou pas? Que penserait-il de toi? Te jetterait-il à la porte? Non, Clarence était bien trop poli pour rejeter quiconque, t'incluant dans le lot. Se moquerait-il de toi? Te rirait-il au nez? Serait-il faussement poli, afin de ne pas te blesser? Peut-être. Peut-être pas. Et ça te fichait littéralement la trouille, de ne pas être à la hauteur des attentes de ton frère. À quel point tournant de ta vie en étais-tu venue à faiblir ainsi devant les jugements des autres? Mine de rien, ceux de ta famille t'avaient toujours été crucial. Le regard des autres, depuis ton surpoids, t'importait plus que n'importe quoi d'autre, aussi ridicule cela puisse-t-il paraître. Ce que tu ne comprends toujours pas, c'est que pour ton frère, ce qui l'importe, c'est que tu sois toi-même, ce que tu es loin d'être. Toutefois, depuis peu, tu t'es promis de faire l'effort, et c'est dans cet état d'esprit que tu te présentes chez ton grand frère. Oh, Clarence... Tu espères qu'il soit seul. Autrement, bien que tu connaisses vaguement sa copine - tu ne t'y es pas intéressée plus que ça, alors que tu sais qu'au fond, tu aurais bien dû, il est sans aucun doute évident que tu prendrais tes jambes à ton cou pour fuir de là, honteuse, et reconsidérer ta volonté à lui confier ce qui te tracasse tant, depuis des semaines déjà.

C'est en pyjama, avec des biscuits aux brisures de chocolat - que tu as tenté, au mieux, de cuisiner, juste pour l'occasion et pour peut-être, qui sait, amadouer ton frère, que tu toques à la porte de chez lui. Tu espères l'amadouer un peu, de sorte à ce qu'il ne soit pas trop sévère avec les reproches qu'il te fera sûrement, dès que tu te confondras en excuses de ne pas être venu le voir plus tôt.. Le pot entre les mains, tu attends sagement qu'il t'ouvre, pour voir sa petite binette de bonhomme parfait, celui dont vos parents peuvent bien être fiers. Tu n'es plus trop certaine s'ils peuvent être encore fiers de toi, chose qui te tracasse tellement, depuis quelques temps, que tu tu te tortures rien qu'avec la pensée qu'ils soient déçus de la femme que tu es devenue.

Spoiler :

Oh sister, I will help you out

Clarence jouissait d’une soirée de repos bien mérité. A l’ancienne, il était seul dans son grand appartement, avec pour seul compagnon, Thor. Le golden retriever semblait légèrement moins gros qu’à l’accoutumée, mais ce n’était que l’illusion de son pelage d’été qui lui permettrait de ne pas souffrir de la chaleur. En short bleu marine, il était affalé sur son canapé. Depuis combien de temps ne s’était-il pas permis de regarder un programme complètement stupide, sans craindre les gentilles moqueries de Leaven ? C’était toujours compliqué de regarder un film avec elle – malgré tous les efforts, il avait toujours horreur du dispositif audio pour les aveugles qui consistait à décrire chaque scène apparaissant à l’écran. Clay était si détendu, la main droite perdue derrière l’oreille de son chien, qu’il manqua de s’endormir ainsi. Il était si exténué quand il rentrait du zoo que maintes fois, en rentrant de son boulot nocturne à la radio, Leaven l’avait trouvé endormi sur le canapé. La fatigue physique était finalement une faiblesse que le trentenaire accueillait avec soulagement. La fatigue l’empêchait de réfléchir à ce qui le tracassait quotidiennement. Elle lui permettait d’oublier toutes les questions qui s’accumulaient dans sa tête au fur et à mesure que la trentaine, elle, avançait lentement. Voilà un mois qu’il avait fête ses 32 ans et cette impression d’arriver à un tournant imminent de sa vie sans qu’il ne puisse prendre le virage persistait depuis. Beaucoup de choses allaient dans sa vie mais beaucoup de choses retenaient ce bonheur d’être complet. D’abord les soucis avec Snow qui semblaient s’arranger mais qui laissait une relation fragile, la séquestration de Leaven qui marquait encore les corps et les esprits, un père sur la fin de carrière mais toujours aussi absent, une mère combattante mais esseulée, une sœur cadette qui s’émancipait à vue d’œil et sa relation avec Absolem que la différence de personnalités avait endommagée. Et pour finir, un meilleur ami qui vivait un cauchemar éveillé. Et si finalement, il se voilait la face ? Voilà précisément le genre de réflexion qu’il voulait s’éviter et visiblement ce soir-là, il n’était pas suffisamment crevé pour s’épargner de telles inquiétudes.

Alors qu’il s’apprêtait à baisser les armes et à aller rejoindre son lit, on frappa à la porte. Ca n’était certainement pas Leaven et sur l’instant, Clay songea plutôt à la visite inopinée du frère de sa petite amie. A cette heure-ci, il n’y avait que lui pour savoir qu’il ne le dérangerait pas. L’homme sauta par-dessus le dossier du canapé puis s’en alla ouvrir la porte, Thor sur les talons. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant Absolem dans l’entrée, en pyjama et portant dans ses mains, une boîte dont le fumet qui s’échappait ne laissait pas de place au doute. Aussitôt, il comprit que cette visite n’était pas fortuite. Sinon elle se serait présentée les mains vides et toujours aussi apprêtée que pour ses apparitions publiques. Malgré lui, Clarence esquissa un sourire : « Abso. » Ce surnom dont il avait usé tant de fois dans leur jeunesse, témoignant tout l’amour qui lui portait. Il s’écarta pour la laisser entrer, Thor s’activant à renifler les jambes de cette visiteuse familière. « Que me vaut ta visite ? Ca va ? » Il n’avait pu s’empêcher de lui poser la question fatidique. Il n’osa même pas l’embrasser sur le front, comme il avait l’habitude de faire autrefois. Ses atouts de femme toujours mis en valeur lui rappelaient toujours ô combien elle était trop grande désormais. « Tu veux boire quelque chose ? » Il ne la laissa pas répondre qu'il se dirigeait déjà vers la cuisine américaine. Il avait déjà une idée en fait.