Liam & Gabriel
L'art et la manière de le percevoir.
L'art et la manière de le percevoir.
« Je ne vous mentirais pas en vous disant que c’est certainement l’un de ses meilleurs romans. Outre l’histoire, en soi, qui est remarquable avec ce va-et-vient entre les souvenirs de Madame Leeroy et la quête identitaire du jeune Joshua, ce roman peut compter sur un suspens haletant qui s’en va crescendo au fil des pages et un retournement de situation magistral… Je dis bien magistral ! Et, vous savez comme moi, combien l’auteure excelle dans la description psychique des personnages. Le personnage du Docteur Calvert est particulièrement terrifiant ! Un livre à dévorer. ». Gabriel sourit à sa cliente qui semblait séduite. Elle jeta un dernier regard au quatrième de couverture avant de lui tendre. « Vous m’avez convaincu ! » Tout en se dirigeant vers la caisse Gabriel ajouta : « Vous ne le regretterez pas ! Le style est très fluide et l’histoire tranche avec son précédent roman où l’intrigue était bien trop simpliste et cousue de fils blancs. ». Il lui tendit l’ouvrage, l’invita à insérer sa carte bleue, patienta, lui tendit le ticket de caisse et la raccompagna à la porte : « Bonne soirée et bonne lecture ! ».
Lorsqu’il fit volte-face, il s’aperçut de l’heure. 18h45. Il allait être à la bourre au vernissage de l’exposition de sa mère. Il chercha du regard Monsieur Stening. Il était dans la réserve en train de chercher des livres certainement. Gabriel se dirigea vers lui. Sans même lui laisser le temps de dire quoi que ce soit : « Terrance ! J’y vais… » Il montra bêtement sa montre. « Je suis en retard ! Passe une bonne soirée ! A demain ! ».
La course contre la montre commença. Enfourchant son vélo, il démarra en trombe. Il effaça les kilomètres à une allure folle. Arrivé au bas de son immeuble, il cadenassa son vélo et monta quatre à quatre les marches. Il déverrouilla la porte et entra. Son appartement n’était pas grand mais bien agencé. Jetant sacoche, veste sur le lit, son réveil indiquait : 19h15. Il était bel et bien à la bourre. Il se précipita sous la douche. Cinq minutes plus tard il était sorti. Passant de la salle d’eau à la chambre en un éclair, il chercha de quoi se vêtir. Tenue correcte exigée. Un coup de peigne, il sauta dans ses chaussures, enfila son manteau et sortit. 19h35. La galerie n’était pas très loin, à quelques blocks, heureusement. Moitié marchant, moitié courant, il arriva à l’entrée. 19h45. La foule c’était déjà amassé devant l’estrade sur laquelle se trouvait le propriétaire ainsi qu’Alice Hartt.
Il se glissa entre la petite foule et rejoignit son frère et son père. « T’es en retard ! ». Quel charmant accueil de son frère, toujours aussi aimable. Il était chic dans son complet noir. Pour une fois ! « J’étais présent à travers toi ! Et puis moi je travaille… ». Gabriel lui demanda un coup de coude dans les côtes. « Aïe ! Mais tu… ». « Taisez-vous les garçons ! Ecoutez votre mère… Sinon, Gabriel, ta cravate est de travers ! ». Alexander-James commença à rire. Il reçut un nouveau coup de coude qui le stoppa net. Gabriel ajusta sa cravate. Il avait vraiment l’air d’un pingouin dans cet accoutrement. Il n’aimait pas ces mondanités où se qui comptait c’était de se faire voir. Heureusement que la mère était au centre des attentions et que son travail était enfin reconnu à sa juste valeur. Il écouta religieusement le discours de l’artiste. Elle y expliquait sa méthode de travail, son inspiration. Elle salua le soutien sans borne de son mari et ses fils. Son discours fut salué par une salve d’applaudissements.
Le vernissage était lancé. L’artiste rejoignit quelques instants sa famille. Gabriel déposa une bise sur la joue de sa mère. « Maman… Tu es resplendissante dans cette robe ! ». Il l’embrassa à nouveau. « Comment vas-tu mon chéri ? ». Elle s’inquiéta un instant. L’ayant vu arriver en retard, elle ne pouvait que se poser des questions. « Je vais bien ! Je suis parti tardivement du boulot simplement ! Je suis un peu fatigué… Mais je voulais être là pour surveiller le petit ! » Expliqua-t-il en jetant un regard à son frère qui s’était déjà précipité vers le buffet. Quel manque d’élégance. Le propriétaire de la galerie fit signe à Alice de le rejoindre. Attrapant le bras de son mari, elle s’éclipsa… « Profites ! ». S’approchant à son tour du buffet, il demanda une coupe de champagne et observa avec attention l’attitude de son frangin… « Espèce de goinfre ! ».
Le quittant, il commença à déambuler dans la pièce, observant les œuvres les œuvres de sa mère avec beaucoup d’attention. L’une d’elle attira particulièrement son attention, par son intensité, par ses couleurs, par son histoire… Peut-être parce qu’il savait qu’il en était le sujet… Mais pas seulement… Parce qu’elle y était, elle aussi, la femme de sa vie.
Il se rappelait très bien de ce jour où, sa mère les avait portraiturés de manière quelque peu abstraite. L’été 2005, dernier été qu’il passa avec elle. Journée magique, soleil au zénith, mer chaude. Sans la prévenir, Gabriel l’avait pris dans ses bras et emmener jusqu’à la mer. Ce souvenir était encore vif dans son esprit. C’est alors qu’il la portait au raz de l’eau que sa mère commença à immortaliser cet instant à l’encre de Chine. Lui, embrassa sa dulcinée avant de l’attirer avec lui sous l’eau. Il l’avait dans la peau. Ils passèrent de longues minutes ensemble, dans l’eau, à se taquiner, se dévorer des yeux… Puis vint le temps de sortir, marquant la fin de cette journée inoubliable. Le simple fait de se remémorer ces instants de bonheur le déstabilisa. Des larmes couleurs le long de ses joues. Sa blessure ne serait jamais totalement cicatrisée.