Un haussement d'épaules, simple, plutôt rapide. Comme si ses problèmes ne valaient pas la peine d'être entendus ce soir ou comme si rien n'était grave dans tout cela. C'était Leaven tout craché. Minimiser ses soucis, préférer mettre en exergue le bonheur des autres et s'effacer face à cette joie. Il fallait croire que c'était un point commun chez tous les Campbell. Valoriser l'autre, devenir l'oreille plutôt que le conteur, se taire pour mieux laisser l'autre se soulager de ses peines ou de ses joies quitte à se faire grignoter de l'intérieur par ses propres problèmes. Ils étaient comme ça chez les Campbell et probablement que cela ne changerait pas de si tôt. Mais ça, c'était sans compter sur son amie, une Italienne au fort caractère qui persistait un peu pour percer sa carapace, gentiment, évidemment. Shaé était une aussi bonne oreille que Leaven qui la savait de bons conseils en plus. La blonde devait admettre que, peut-être, cela ne lui ferrait pas de mal de s'exprimer pour une fois et surtout d'avoir un point de vue extérieur au sien et à celui de Clarence. Tous les deux étaient trop concernés, sûrement incapables pour le moment de prendre du recul sur ce qui était conflictuel entre eux. Peut-être qu'inconsciemment Shaé saurait mettre en lumière certains points restés encore dans l'ombre, peut-être que la cadette Campbell avait besoin de l'entendre mais pour ça, il fallait qu'elle explique le problème, et sans fondre en larmes si c'était possible, parce que cela restait lourd à porter, se sentant fautive sur tous les points.
« Je crois que c'est un secret pour personne. Clarence veut des enfants depuis des années sauf que je pensais pas qu'il m'en parlerait si vite en fait. Je pensais avoir plus de temps pour me faire à l'idée, pour ne pas appréhender et puis finalement c'est tombé récemment, il m'a clairement demandé s'il voulait qu'on fonde une famille tous les deux. » ...
« Je suppose que tu devines que le problème vient de moi du coup et d'un non-désir d'avoir des enfants. D'autant plus naturels à cause de mon handicap, aussi bien parce que je vois pas moi-même qu'à cause du caractère héréditaire de la maladie à 50% minimum. » Élever un enfant en étant aveugle, sans compter qu'il risquait lui-même de l'être... rien que l'idée effrayait la blonde.
« Il a ses idées, j'ai les miennes. Elles sont toutes ancrées dans notre esprit depuis des années alors forcément, ça a tendance à casser en ce moment plus qu'à coller entre nous. » Ce qu'elle regrettait amèrement d'ailleurs mais c'était ainsi et elle devait faire avec.
Bien vite et au grand bonheur de la blonde, la conversation se tournait vers Shaé, vers son nouveau travail, son nouvel appartement et bien évidemment l'éventuelle possibilité qu'elle se rapproche de nouveau de l'aîné Campbell. Pour Leaven, tout était pourtant évident, ils étaient fait l'un pour l'autre, mais elle savait qu'en pratique les choses l'étaient moins. Les deux adultes concernés étaient des personnes censées, avec la tête bien posée et visée sur les épaules. Leur séparation avait donc été causée pour de fortes raisons valables sinon, pour sûr qu'ils auraient fait le nécessaire pour rester ensemble, ne serait-ce que pour Valentina. Alors forcément, elle se doutait que pour les recoller ensemble, il fallait des raisons d'autant plus fortes ou réparer ce qui avait été cassé. Attentive aux propos de la brune, Leaven portait tantôt un amuse-bouche à ses lèvres, tantôt son verre. Elle écoutait chaque mot, les pesait et les enregistrait dans son esprit. C'était clair et limpide, à la fois logique. La jeune femme ne pouvait pas nier qu'entre l'Italienne et l'Américain, les choses avaient été rapides mais dans l'autre sens, Leaven était persuadée que c'était la puissance de leurs sentiments qui leur avait donné la certitude de faire les bons choix et non des erreurs comme Shaé avait tendance à se le dire ou du moins se demander.
« Je peux seulement t'assurer que tu es au même point que lui, sentimentalement parlant. Ça crève les yeux qu'il est toujours amoureux de toi alors à ce niveau-là, tu n'as rien à craindre. Je mettrais même ma main à couper qu'il serait d'accord pour reprendre, au rythme que tu veux. On le connait toutes les deux, tout ce qu'il cherche c'est de te savoir heureuse. » Un sourire malicieux sur les lèvres, elle ne pouvait s'empêcher de rajouter quelques mots.
« Bon, heureuse avec lui, ça serait l'idéal quand même. » Parce qu'une fois de plus, ils étaient les mêmes: capable de s'effacer pour le bonheur de l'autre, quitte à souffrir en retour. Aaron n'échappait pas à cette
malédiction des Campbell.
« Cela dit, il y a une chose où je suis pas d'accord avec toi. J'ai l'impression que tu sous-entends que le premier échec vient de toi mais je tiens quand même à dire que tu n'es pas la seule fautive. » Parce qu'elle savait que son frère s'en voulait pour beaucoup de choses aussi.
« Dans un couple on est deux, dans le rôle de parents aussi. Ça me parait logique que dans une rupture, on est deux aussi. » D'autant plus quand la rupture en question n'était pas une histoire de trahison, d'adultère ou quelque chose dans ce genre. Chacun avait ses fautes, d'une façon ou d'une autre, et elle refusait que son amie porte toute la faute sur ses épaules. Ce n'était pas juste.
« Je comprend qu'un second échec puisse faire peur et soit redouté. Je crois que la seule chose à faire c'est d'être claire dans tes désirs avec lui, que tu lui fasses savoir ce que tu veux et évidemment, comme tu l'as dit, d'y aller en douceur, de laisser le temps au temps. Sache juste que, comme tu l'as dit, si les choses doivent se faire elle se feront, mais ça m'empêchera pas de pousser un peu le destin si je peux. » Posant son verre sur la table basse, elle levait les bras comme une pompom girl, dédramatisant aussi cette conversation.
« Team Sharon à fond! » disait-elle dans un rire un peu étouffé, histoire de ne pas déranger Valentina qui devait probablement s'endormir doucement mais sûrement.
Spoiler :
Okkkk, ceci est un roman, désolé.
Tu peux bien évidemment faire beaucoup plus court mais il y avait tellement de choses à dire que voilà... tu me pardonnes, hein, dis?
✻✻✻ CODES
LITTLE WOLF.