J'ai repoussé à plus tard l'idée de me casser encore le dos, penchée sur ma machine à coudre. J'ai repoussé à plus tard l'idée du sommeil, ou de la lecture, ou des séries... J'ai tout repoussé : une soirée prévue avec Madi, depuis des semaines. Une soirée de détente, une soirée qui m'obligera à m'extirper à mon traintrain quotidien, à la routine qui m'englue et m'emprisonne.
Une soirée dont elle a eu l'idée, que j'ai failli annuler ce matin, que je n'ai finalement pas osé supprimer, une soirée qui devrait me faire du bien. Même si, durant la journée, j'ai douté. Pas par manque d'envie de la voir ou de passer un moment loin de cet appartement. Par manque d'énergie ou d'ambition, peut-être, ou parce qu'il est plus simple de ne rien changer et de laisser le quotidien monotone me noyer.
Mais je ne pouvais pas vraiment faire ça à Madison.
Je ne pouvais pas vraiment me faire ça...
Alors, il y a une heure, j'ai rangé mon matériel, pris une douche, commencé à me préparer. Les cheveux parfaitement lissés, un maquillage plus prononcé, une robe adaptée, des talons vertigineux, sur lesquels j'espère ne pas me tordre la cheville. Une tenue comme je n'en ai plus mises depuis l'été, une tenue destinée à un bar ou une boite, à une soirée de danse et d'alcool.
Mon reflet me rassure : je me fondrai dans la foule des créatures aguicheuses, endiablées. J'ai revêtu leur parure. Un « Bonne soirée » lancé à tout va, dans l'appartement : je dévale les escaliers et retrouve ma confidente en rue. Son commentaire m'arrache un rire léger :
« Bien sur, c'est la tenue idéale pour l'unif et les heures de cours... »
Mais elle n'a pas tout à fait tort:je pourrais faire un effort. Ces derniers temps, j'attrape les premiers vêtements qui me tombent sous la main,mes cheveux se contentent de nattes ou de queues hautes et mon visage d'un peu de crème hydratante. Rien qui ne trahisse une fashionista... ou même une étudiante en stylisme.
« Tu es superbe. Comme toujours... »
Elle sait mettre en valeur ses atouts, Madison, personne ne pourra lui enlever cela. Il lui suffit de peu pour être à tomber. Et ce soir, elle a mis toutes les chances de son côté : je suppose que le célibat ne lui va pas plus qu'à moi. Moins.
Bras dessus bras dessous, nous nous engouffrons dans les rues de Downtown. Je lui raconte rapidement ma journée : levée tôt, un peu de travail scolaire, trois heures de cours, une heure de boulot chez Zus puis rentrée pour lancer sur le papier de nouvelles idées, et fouiller parmi mes échantillons de tissu, à la recherche des matières et des couleurs qui pourraient m'inspirer. De mes déceptions, de mes mauvaises idées qui pourtant avaient semblé bonnes...
« Et puis... je me suis préparée. Et j'ai avalé un sandwich. Et toi ? Comment a été ta journée ? »
Plus calme que la mienne ? Ou plus agitée,mais moins nerveuse? moins stressée ? Nous approchons des rues où s'entassent les boites de nuit, nous n'avons pas parlé de l'endroit que nous choisirions... Sans doute allons-nous papillonner. Nous arrêter ici tant que la musique nous plaira , déménager là-bas, si l'ennui nous tenaille...
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