Planétarium de Santa Monica
Il fait noir. Une planète tombe sur le sol. Elle explose en lumières incandescentes. Dans les vides des corps, les vides se font plus intenses. Pour ne rien perdre des planètes qui meurent et qui vivent, il faudrait ouvrir les bouches, les yeux, les peaux plus grand… Avaler les étoiles jusqu’à l’implosion intérieure, absorber les univers nocturnes qui scintillent au plafond.
La voix du présentateur. Douce, joviale, un peu âgée.
« Merci pour votre… J’espère que… »
Cendres n’écoute pas. Il ne peut pas. Son esprit, encore, est concentré dans ses yeux et dans les espaces qui courent au-delà du ciel de Los Angeles.
Les grandes lumières se rallument. La salle est inondée de blancheur crue. La magie des univers étoilés s’évapore en fumée invisible. Le spectacle est terminé. Pendant une fraction de seconde, Cendres doit fermer les paupières. C’est dur, cette luminosité soudaine. C’est frustrant, ce réalisme contre les rétines.
Le présent s’infiltre lentement à travers les vêtements et les sens. Il se frotte les yeux. Autour de lui, les gens. Ils étaient debout pour le spectacle. Debout et serrés l’un contre l’autre. Maintenant, ça le gêne. Ça le frappe comme une évidence trop lente à se montrer.
Les gens parlent entre eux. Commentent. Des murmures approbateurs, parfois des tons de questions. Les enfants qui demandent à leurs parents si… Pourquoi… Comment…
Cendres s’éloigne du centre de la pièce à pas feutrés. Veut s’adosser à un mur. Finalement, hésite. Le mur est recouvert de minuscules lampes incrustées dans le plâtre de finition. Des bulles de lumière artificielle qui imitent les étoiles… Il ne s’adosse pas. Il ne veut pas abimer les bulles de lumière, même si elles ne sont que de fausses étoiles.
Il pose une main à un endroit pas trop recouvert. Il observe les gens après avoir observé les planètes qui meurent et qui vivent. Les êtres humains l’intéressent. C’est son métier, étudier les êtres humains. Savoir ce qui les détend, ce qui les crispe… Ce qui les déconcentre, ce qui les captive…
A la sortie de la salle, des papiers attendent. Des petits questionnaires qu’il a mis au point pour l’UCLA. Un sondage bref pour connaitre le sentiment des spectateurs. S’ils se sentent mieux, s’ils savent décrire ce mieux, s’ils reviendront… Le planétarium avait accepté la collaboration avec l’UCLA. Cela fait toujours bien de pouvoir vendre un spectacle s’il est reconnu bénéfique pour…
En attendant, le regard de Cendres se ballade de visage en visage… Tente de reconnaître une expression, une relation… Une qualité de relation… Est-ce que ce père est patient avec son fils ou est-ce le fils qui est turbulent ? Est-ce que ce couple s’aime depuis longtemps ? Est-ce que cette vieille dame est venue seule… Et là, un étudiant…
Il cesse de penser. Il sait que le jeune homme sur lequel son regard s’est arrêté est étudiant à l’UCLA. Il ne sait pas comment il le sait. Un souvenir inconscient, sans doute, lui souffle qu’ils se sont croisés au moins une fois.
La salle de spectacle est presque vide. Cendres s’approche de l’étudiant. Il s’approche sans hésitation et sans hâte. La rencontre avec les autres lui est instinctive.
- Bonjour, tu es étudiant à l’UCLA, n’est-ce pas ?
En France, il aurait tendu la main, se serait approché fort près. En Amérique, même à la si latine Los Angeles, les distances sont plus grandes. Il s’arrête à un bon mètre. Il n’a pas calculé la distance. A force de côtoyer les américains, il a fini par intégrer les distances personnelles comme la langue…
- Je m’appelle Cendres. Je suis doctorant et j’assiste le professeur d’art-thérapie.
… qui reste malgré tout française. Il a un peu de mal avec les r et avec les accents toniques qu’il appuie moins que les autres. Son anglais est mâtiné de la France. A l’UCLA, beaucoup pensent qu’il vient du Québec.
- Le spectacle t’a plu ?
Il fait noir. Une planète tombe sur le sol. Elle explose en lumières incandescentes. Dans les vides des corps, les vides se font plus intenses. Pour ne rien perdre des planètes qui meurent et qui vivent, il faudrait ouvrir les bouches, les yeux, les peaux plus grand… Avaler les étoiles jusqu’à l’implosion intérieure, absorber les univers nocturnes qui scintillent au plafond.
La voix du présentateur. Douce, joviale, un peu âgée.
« Merci pour votre… J’espère que… »
Cendres n’écoute pas. Il ne peut pas. Son esprit, encore, est concentré dans ses yeux et dans les espaces qui courent au-delà du ciel de Los Angeles.
Les grandes lumières se rallument. La salle est inondée de blancheur crue. La magie des univers étoilés s’évapore en fumée invisible. Le spectacle est terminé. Pendant une fraction de seconde, Cendres doit fermer les paupières. C’est dur, cette luminosité soudaine. C’est frustrant, ce réalisme contre les rétines.
Le présent s’infiltre lentement à travers les vêtements et les sens. Il se frotte les yeux. Autour de lui, les gens. Ils étaient debout pour le spectacle. Debout et serrés l’un contre l’autre. Maintenant, ça le gêne. Ça le frappe comme une évidence trop lente à se montrer.
Les gens parlent entre eux. Commentent. Des murmures approbateurs, parfois des tons de questions. Les enfants qui demandent à leurs parents si… Pourquoi… Comment…
Cendres s’éloigne du centre de la pièce à pas feutrés. Veut s’adosser à un mur. Finalement, hésite. Le mur est recouvert de minuscules lampes incrustées dans le plâtre de finition. Des bulles de lumière artificielle qui imitent les étoiles… Il ne s’adosse pas. Il ne veut pas abimer les bulles de lumière, même si elles ne sont que de fausses étoiles.
Il pose une main à un endroit pas trop recouvert. Il observe les gens après avoir observé les planètes qui meurent et qui vivent. Les êtres humains l’intéressent. C’est son métier, étudier les êtres humains. Savoir ce qui les détend, ce qui les crispe… Ce qui les déconcentre, ce qui les captive…
A la sortie de la salle, des papiers attendent. Des petits questionnaires qu’il a mis au point pour l’UCLA. Un sondage bref pour connaitre le sentiment des spectateurs. S’ils se sentent mieux, s’ils savent décrire ce mieux, s’ils reviendront… Le planétarium avait accepté la collaboration avec l’UCLA. Cela fait toujours bien de pouvoir vendre un spectacle s’il est reconnu bénéfique pour…
En attendant, le regard de Cendres se ballade de visage en visage… Tente de reconnaître une expression, une relation… Une qualité de relation… Est-ce que ce père est patient avec son fils ou est-ce le fils qui est turbulent ? Est-ce que ce couple s’aime depuis longtemps ? Est-ce que cette vieille dame est venue seule… Et là, un étudiant…
Il cesse de penser. Il sait que le jeune homme sur lequel son regard s’est arrêté est étudiant à l’UCLA. Il ne sait pas comment il le sait. Un souvenir inconscient, sans doute, lui souffle qu’ils se sont croisés au moins une fois.
La salle de spectacle est presque vide. Cendres s’approche de l’étudiant. Il s’approche sans hésitation et sans hâte. La rencontre avec les autres lui est instinctive.
- Bonjour, tu es étudiant à l’UCLA, n’est-ce pas ?
En France, il aurait tendu la main, se serait approché fort près. En Amérique, même à la si latine Los Angeles, les distances sont plus grandes. Il s’arrête à un bon mètre. Il n’a pas calculé la distance. A force de côtoyer les américains, il a fini par intégrer les distances personnelles comme la langue…
- Je m’appelle Cendres. Je suis doctorant et j’assiste le professeur d’art-thérapie.
… qui reste malgré tout française. Il a un peu de mal avec les r et avec les accents toniques qu’il appuie moins que les autres. Son anglais est mâtiné de la France. A l’UCLA, beaucoup pensent qu’il vient du Québec.
- Le spectacle t’a plu ?
Les contes gris