Tahoe City, enfin. La ville qui, malgré sa froideur, pouvait faire fondre les cœurs les plus durs. La poudreuse craquait sous les pas de Ash, qui venait de poser une main au-dessus de ses yeux pour se protéger du soleil. Ses rayons se reflétaient sur la neige immaculée, éblouissant les touristes qui n’avaient pas pensé à s’équiper de lunette. Le thermomètre affichait zéro, et pourtant Ash avait l’impression que sa parka Carhartt était de trop. Trainant sa valise derrière lui, il suivit le petit groupe d’étudiant d’UCLA qui, comme lui, avait pris l'avion, et venait d’être déposé devant l’hôtel par une navette. En bois, et de style traditionnel, le bâtiment plu tout de suite à l’Anglais. Il était bien loin de l’extravagante Los Angeles, et ça le soulageait plus qu’il ne l’aurait cru.
Ash monta jusqu’au troisième et dernier étage, ses doigts trainant sur la rampe en bois lissé. Monter quelques escaliers ne lui posait aucun problème. C’était en quelque sorte la promesse d’avoir la plus belle vue de l’hôtel. Il trouva sans mal la chambre 310, et enfonça sa clef dans la serrure, qu’il déverrouilla. La pièce était assez grande pour caser trois lits et trois commodes tout en garantissant un minimum d’espace. Visiblement, il était le premier arrivé. L’Anglais s’avança vers le lit le plus proche de la baie vitrée, et y déposa sa valise et son manteau. Premier arrivé, premier servi. Voila ce qu’on récoltait lorsqu’on réservait ses vacances au dernier moment : on était logé là où il restait de la place. Il jeta un rapide coup d’œil à la salle de bain, priant pour ne pas tomber sur des colocataires narcissiques. Ash fit ensuite coulisser la baie vitrée et sortit sur le balcon. Comme il l’avait espéré, la vue était superbe. La forêt se dressait fièrement devant lui, pleine de vie et de secret. Pendant un instant, il s’imagina en Angleterre. L’hiver 2012 avait été particulièrement froid, et lorsque Ash avait enfin consenti à se lever et à ouvrir ses volets, il avait constaté que la forêt bordant le manoir avait revêtu son manteau blanc. C’était il y a quatre ans. Ash baissa les yeux, s’attendant presque à voir ses frères et sa sœur chahuter bruyamment dans la neige. Mais ce n’étaient que des fantômes. Des fantômes figés dans le temps.
La porte s’ouvrit alors dans un grincement discret qui le tira de ses pensées. Son premier colocataire venait d’arriver. L’Anglais se détourna de ce décors à fois nostalgique et sublime, et se glissa par la baie vitrée. Il esquissa un sourire de bienvenue, purement formel. Ses yeux verts et calculateurs se posèrent sur la silhouette comme s’ils étaient déjà en train de l’analyser. « Salut. »