Bien sûr qu'il y a de belles choses, à New York. J'y vis depuis quelques années maintenant, et je sais que j'ai tendance à oublier les belles choses de la ville... Ou alors est-ce parce que je suis devenu un connard ? Le genre à se plaindre de tout, en oubliant les belles choses de la vie derrière ? Le genre de personne qui va se plaindre de traces sur les verres dans un restaurant alors que la nourriture est incroyable ? Ca ne m'étonnerait pas que je sois devenu ce genre de personne... Tout ce que je déteste. Bien sûr qu'il y a de belles choses, à New York. J'y vis depuis quelques années maintenant, et je sais que j'ai tendance à oublier les belles choses de la ville... Ou alors est-ce parce que je suis devenu un connard ? Le genre à se plaindre de tout, en oubliant les belles choses de la vie derrière ? Le genre de personne qui va se plaindre de traces sur les verres dans un restaurant alors que la nourriture est incroyable ? Ca ne m'étonnerait pas que je sois devenu ce genre de personne... Tout ce que je déteste.
Bien sûr, Oscar, qu'il y a de belles choses. Je me rappelle encore aujourd'hui de la première fois que je suis allé voir une comédie musicale là bas. Incroyable. Je me rappelle aussi de mes premiers pas sur Time Square, qui bien que ça ne soit que des écrans, donne vraiment n'impression d'être important, au sein de la ville... Ce sentiment de vivre, et d'avoir au final trouvé sa place... Que de la poudre aux yeux, je n'ai rien fait la bas, mais la sensation, je m'en rappelle encore... Central Park ! Rien que ça... Passer du temps à lire là bas, s'allonger un instant. J'ai beau avoir divorcé, je ne peux pas nier avoir passé de beaux après midi avec mon ex femme, sa tête sur mes cuisses, à laisser le chant des oiseaux nous bercer. Et Ellis Island...
C'est ces petites choses qui au final, me font rester là bas. J'ai de bons souvenirs, malgré ma vie qui a basculé. Et je sais qu'il faut que je m'y raccroche. L'entendre s'extasier sur New York me fait réaliser que oui, malgré tout, j'ai de la chance. Beaucoup de personnes voudraient avoir ma place, et mon appart dans cette ville... Le fameux rêve américain, non ? Bien sûr que j'ai de la chance, mais on a tendance à ne plus voir ces côtés là, quand on se laisse avoir par l'habitude. J'en suis la preuve. Je devrais peut-être prendre le temps de me promener dans la ville, et de retourner dans les lieux qui m'ont tant plu, quand je suis arrivé... Je le ferai, je me le jure.
En entendant Oscar, j'ai encore plus honte. Il pense réellement que j'ai malgré tout, accompli des choses importantes ? Rien du tout... Le bilan de ces dernières années est loin d'être positif, tellement que j'en ai honte. Je ne mentirais pas sur mon expérience, mais je sais que je ne pourrais pas non plus me venter de ce que j'ai fais. Rien. Un bon gros zéro pointé. Si, j'ai pas mal joué d'argent, est-ce que je peux essayer de tourner cette expérience positivement ? Après tout, j'ai remporté de grosses sommes là dessus, en pariant. Il faut dire que je m'y connais pas mal dans le domaine, je pourrais essayer de creuser différemment plutôt que de me contenter de parier dans mon coin... En tout cas Oscar, dans l'état actuel des choses, je ne me vente de rien. Je n'ai rien fait de véritablement bien.
« -J'ai aidé à la construction d'écoles en Afrique, et au sauvetage des tortues Luth au Costa Rica... J'ai un peu honte d'avoir seulement envoyé de l'argent, mais... Je n'ai pas trop pu me déplacer, ces derniers temps... »
Qu'est-ce que ça me manque, ça... Quand j'y repense, j'aurais adoré aider à la construction même de l'école, ne serait-ce que pour mettre quelques pierres à l'édifice, dans le sens littéral du terme... Avant, j'allais directement sur place, pour rencontrer les enfants qui allaient profiter de ce qu'on construisait, les parents, les habitants en général, et j'essayais au maximum d'être là pour eux... Même pour les tortues, avec le recul, je suis dégouté de ne pas avoir été réellement là. Alors oui, j'ai financé des expéditions et un refuge, mais... Est-ce que ça vaut le temps que j'aurai pu passer auprès de l'espèce ? Après tout le mal que j'ai fais au nom de mon père et de son entreprise, est-ce que je ne me devais pas d'aller sur place pour me racheter ? Si seulement, putain. Encore aujourd'hui, j'essaye d'être là pour les animaux du monde entier, histoire de balancer avec les refuges que les Snow ont battis au nom de l'argent...
Je n'ai pas changé, qu'il dit... Et pourtant, si seulement il pouvait voir au delà de mon visage... Est-ce qu'il réussi à voir au delà ? Est-ce qu'il voit les cicatrices que je porte, peu profondes, mais qui pourtant me force à me poser des questions sur l'importance de ma propre existence ?
Bien sûr que j'ai changé, Oscar. Toi aussi, tu as changé. Nous avons tous changé. Alors oui, peut-être que j'ai la même tête qu'il y a cinq ans, si on retire mes lunettes de vue... Et encore, tu ne les vois pas, elles ne me servent que pour lire. Je déteste porter mes lunettes, j'ai l'impression d'être un bobo qui se donne un style alors que clairement, sans elles, je ne vois plus grand chose, au niveau de la lecture. Mais toi, Oscar, je te vois.
Ou alors, est-ce que tu parles d'autre chose que le physique ? Selon toi, est-ce que je n'ai pas changé mentalement ? Dans d'autres domaines ? Est-ce que je n'ai pas changé, dans le sens où je reste celui que tu as recallé il y a quelques années ? J'en sais rien, et je crois qu'au fond de moi, je ne veux pas savoir. Je ne préfère pas. J'ai changé, mais une part de moi est content que tu ne le vois pas. Garde l'image de moi du mec ambitieux, qui adorait la vie, qui sortait beaucoup, et qui donnerait tout pour les autres. Garde l'image de moi, de l'homme qui souriait à chaque fois qu'un éclat de rire d'enfant s'entendait. Garde l'image de moi, celui qui t'aimait, et que tu as décidé de laisser à l'écart de ta vie. Ces mots, même juste pensés, me font mal. Putain, j'suis con, hein ?
Il redit mon prénom. Adriele. Dans sa bouche, mon prénom semble beaucoup plus chantant, plus doux, et plus exotique, forcement. Et pourtant, je déteste quand il m'appelle comme ça. Je sais bien que s'il prononce mon prénom, c'est qu'il a envie de dire plus que ça, et de me dire que j'abuse, qu'on ne peut pas, ou alors que je ne devrais pas. Et rien qu'à l'entendre, je culpabilise de l'avoir complimenté. J'ai bien vu que ça l'avait mit mal à l'aise, et pourtant... j'ai pensé chaque mot, et ils sont sortis tellement naturellement. C'est sûrement le pire, dans tout ça.
Et c'est lui qui est désolé ? Mais de quoi ? JE suis désolé. Pourtant je compris que ce dont il est désolé, c'est bel et bien de m'avoir écarté, il y a quelques années. Bien entendu, je sais qu'il ne parle pas vraiment du fond mais plutôt, de la forme... Je ne pourrais pas lui en vouloir de m'avoir dit ce qu'il pense, même si ça m'a fait mal. Il faut croire que j'ai cru à cette connexion pour deux. Mais en tout cas, il n'a pas a être désolé pour ça. Il faut que je te le dise.
« -Ne soit jamais désolé d'avoir été sincère. Je suppose que c'était mieux comme ça, de toute façon »
Mes yeux retrouvent les tiens, et ça me coupe un instant les jambes. J'arrive pas a bouger, je ne peux même pas détourner le regard. Putain mais merde, des années plus tard, pourquoi est-ce que je ne peux juste pas... en rire ? Ne soit pas désolé, Oscar, je ne veux pas que tu le sois. Je devrais te remercier, de m'avoir tout de suite dit que ce n'était pas possible. Je devrais te remercier de ne pas m'avoir fait perdre du temps, car Dieu sait que j'aurai pu t'attendre pendant longtemps, à l'époque. Un signe de toi, et j'aurai été à toi. Alors que là, au moins, je savais directement à quoi m'en tenir, même si j'ai toujours eu du mal à comprendre pourquoi est-ce que tu ne m'as même pas laissé une chance.
Mais en entendant ses derniers mots, j'avoue que... Je suis perdu. Alors ce n'était pas ta bonté qui t'as fait renoncé à ce vase ? Ce n'est pas la bonté de ton âme qui me permet de pouvoir apporter une bonne nouvelle à ma mère ? Est-ce que tu fais tout ça juste pour que justement, j'oubli comment s'est passé notre dernier entretien ? Merde... j'avais pas pensé à ce côté là...
« -Je.. je vais y aller. Faut que j'aille apporter ça à ma mère, du coup, encore merci... »
Je sers un peu plus le base contre moi, avec l'aide de mon bras, alors que je sors un vieux ticket de caisse de ma poche de veste. Tu seras content de voir que j'ai payé un pack de bière et des carottes râpées. Mais ce n'est pas pour ça que je le sors. Je sors également un stylo, que j'ai toujours sur moi. Un héritage, de mon père. Mais là n'est pas l'importance. J'écris sur ce vieux tickets, prenant appui sur ma cuisse, mon numéro de téléphone. Pourquoi ? J'sais même pas.
« -Tiens, si jamais... »
Si jamais quoi ? Pourquoi est-ce qu'il voudrait mon numéro ? Il ne me l'a même pas demandé. Bordel, encore une connerie. Comment je la justifie, moi ?
« - On ne sait jamais, si t'as besoin, tu peux appeler quand tu veux. Puis ça pourrait être sympa de se revoir autour d'un café, et pas juste par erreur, tu ne crois pas ? »
J'ai un petit sourire, alors que je fais déjà un pas en arrière. J'vais retourner voir ma mère, et... réaliser tout ce qui s'est passé en dix minutes, qui m'ont paru être une bonne heure... Digérer mes propres pensées, et me remettre de mes émotions.
« - Rentre bien, fais attention à toi »