larmes de feu — leilo & noah

tw: incendie

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La journée se termine comme elle avait commencée: merveilleusement mal.

Son réveil n'avait pas sonné, elle avait raté son bus et sa correspondance, et les affaires avaient été calmes (pour ne pas dire inexistantes) à son stand. Pour couronner le tout, Maddie lui avait organisé un blind date sur Tinder, comme elles avaient l'habitude de se le faire. « Allez, donne lui sa chance. Il faut que tu t'y remettes un jour! » Leilo avait accepté, à contre-coeur: sa meilleure amie avait raison, elle avait assez perdu de temps à déprimer sur l'autre con de Sid. Il était temps de passer à autre chose. Il lui suffit de deux secondes de conversation avec son date du soir pour regretter cette décision. « Ah nan mais, désolée mais j't'explique tout de suite, là ça va pas l'faire, c'est mort. » Hors de question de perdre plus de temps avec ce guignol. Elle prend sa veste et elle se casse. Leilo se promène le long de la mer, le coeur lourd et l'esprit contrarié. Pourquoi les choses sont-elles si compliquées? Pourquoi la vie est-elle toujours un terrible combat? Alors qu'elle se perd dans ses pensées, ses yeux se perdent sur l'horizon. La mer est calme. Les vagues sont douces. La fumée qui émane de la jetée l'est moins. Ses sourcils se froncent. « Mais qu'est-ce-que... » Quelque chose s'éveille en elle. Appelez ça l'instinct. Appelez ça l'intuition. Appelez ça l'anxiété. Appelez ça ce que vous voulez, mais poussez vous du chemin, bordel! Vous ne voyez pas qu'elle essaie de courir?

Le coeur bat, à deux cent à l'heure. La foule lui obstrue la vue. Mais arrivée à l'entrée du parc d'attractions (pourtant fermé depuis plusieurs heures...) elle sait déjà ce qu'il en est.

« Non ... »

Son stand, incandescent, s'embrase, brûlant avec lui tous ses rêves d'un avenir meilleur.

Ma journée aussi avait commencé avec une série de coups du sort. Mon réveil avait mystérieusement omis de sonner, ce qui m'avait déjà fait démarrer en retard. Les embouteillages m'avaient ensuite piégé, retardant davantage mon arrivée à la caserne. Et quand je suis finalement arrivé, mes collègues m'ont raconté les interventions de la journée que j'avais manquées. Apparemment, il y avait eu un sauvetage périlleux d'un chat coincé dans un arbre (cliché, je sais), suivi d'une fuite de gaz dans un immeuble… tout le monde avait été sauvé in extremis. Ça me soûlait pas mal d’avoir manqué ça!

Alors, quand nous avons reçu l'appel pour l'incendie au parc d'attractions, j'étais prêt à en découdre avec le destin. Je m'étais précipité vers le camion, enfilant ma combinaison ignifuge avec une rapidité presque mécanique. L'adrénaline avait déjà commencé à couler dans mes veines, cette sensation familière de l'anticipation du combat contre les flammes.

Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, le spectacle était époustouflant, les flammes s'élevaient haut dans le ciel, dévorant le stand avec une voracité effrayante. Mes collègues se sont précipités pour déployer les lances à incendie, et j'ai senti la chaleur intense m'embrasser, comme une vieille connaissance.

C'est alors que je l'ai vue, cette jeune femme. Elle était là, figée, regardant les flammes avec un mélange d'effroi et de fascination. Du moins c’était mon impression. Peut-être que c'était la première fois qu'elle se retrouvait si près d'un tel brasier. J'ai décidé de m'approcher d'elle, tout en continuant à surveiller le travail de mes collègues. Mes gestes étaient empreints d'une assurance acquise au fil des années, mais je ne pouvais m'empêcher de remarquer son regard fixé sur moi. "Bonsoir. Pas de panique, nous sommes là pour gérer ça," ai-je dit, essayant de la rassurer. "Vous allez bien?" Je demande en l’inspectant visuellement. Elle ne semble pas blessée par les flammes en tout cas.

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just like fire

There's a reason I said I'd be happy alone. It wasn't 'cause I thought I'd be happy alone. It was because I thought if I loved someone and then it fell apart, I might not make it. It's easier to be alone.

Les flammes dansent.

Elles dansent avec ses rêves. Elles dansent avec cette promesse d'un avenir meilleur à laquelle elle s'accrochait férocement depuis des mois. Elles dansent avec cet avenir qu'elle désirait si ardemment. Cet avenir qui semble s'évaporer dans le sillage de la fumée qui s'échappe du brasier.

Leilo ne réalise pas immédiatement l'ampleur de la situation. Il y a sept étapes au deuil. Elle est dans le premier.

Le choc.

La brune observe en silence la combustion, le regard stoïque, l'expression calme. Ses pensées fusent à deux cent à l'heure, son regard reste captivé par les flammes.

Vient alors le déni.

Cela ne peut pas être vrai. Ça doit être un rêve, un cauchemar, une hallucination... Elle cligne des yeux, espérant voir autre chose, un autre stand, peut être, occuper la place du sien... Mais rien n'y fait. C'est bien son stand.

Et ainsi vient la colère.

« Laissez moi passer! » s'exclame-t-elle avec férocité, en guise de réponse au jeune homme qui lui demande de ne pas paniquer. Il a de la chance que Leilo ne l'écoute pas réellement, sinon elle n'aurait pas hésité à remettre les points sur les i. Il affirme gérer la situation. Tout ce que Leilo voit, c'est une situation ingérable. Elle tente de se précipiter vers les flammes, se voyant malheureusement interrompue sur sa lancée par le sapeur-pompier, qui la retient contre son gré. « Lâchez-moi! » La jeune femme se débat, frappant la main et les bras qui la guident loin du spectacle. Leilo se débat en vain: malgré sa fougue et son caractère bien trempé, son corps ne fait pas le poids face à celui du pompier. Il lui demande finalement si elle va bien. « Oh, oui, je me porte à merveille! » affirme-t-elle, avec sarcasme. « Mon commerce part en flammes et au lieu de les éteindre les pompiers font la police. Que demander de plus? » La colère monte, la colère fait fureur. Elle a la rage au ventre. Un sentiment d'impuissance qui lui donne l'impression d'être terriblement insignifiante, dans l'instant présent. « Qu'est-ce que vous attendez pour aller les éteindre? » finit-elle par demander, les larmes au coin des yeux. Le marchandage commence. Elle a besoin qu'on la rassure. Qu'on lui affirme que les dégâts ne sont que superficiels et que son stand survivra. Qu'il suffira d'une nouvelle couche de peinture, ce genre de platitudes. Mais surtout, Leilo a besoin que ces flammes se taisent, afin de pouvoir contempler, de ses propres yeux, les dégâts.

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