Grace n'est définitivement pas une grande bavarde ; je le suis sans doute plus qu'elle. Mais ce n'est pas une grande découverte pour moi, j'ai toujours été le genre de gars à avoir la langue facilement déliée. Et puis en cours, j'étais de ceux qui finissaient par être séparés de leurs potes pour se retrouver à côté d'une fille silencieuse et studieuse parce que je parlais trop. Ce qu'ignorent les professeurs, c'est que ça ne nous déplaît pas forcément de changer de place, si c'est pour se retrouver à côté d'une jolie fille, aussi peu communicative soit-elle. Je me souviens de rares fois où j'avais réussi à arracher des mots à certaines d'entre elles et parfois j'étais agréablement surpris. Nous ne nous connaissions pas, je n'étais pas le genre de gars à traîner avec les plus silencieux et discrets de la classe, bien au contraire. Bref, ce serait bien con de penser qu'une nana n'est pas intéressante juste parce qu'elle ne parle pas énormément. On passerait à côté de beaucoup de choses, à mon avis. Grace n'a pas une tête à être très bavarde et comme je le lui ai dit, ça ne me dérange pas. J'ai passé l'âge de la juger pour ça, d'autant plus après ce qu'on vient de faire. Et puis mine de rien, j'apprends qu'elle est une artiste dévergondée, pas du tout le genre à être enfermée dans un couvent. En même temps, elle a quand même accepté de coucher avec moi alors qu'elle ne me connaissait pas. Je ne sais pas pourquoi j'ai vu en elle l'espace d'un instant une fille sérieuse et un tant soit peu romantique. Ça me fait d'ailleurs sourire. Encore plus quand elle me traite de menteur suite à mon déni. Tirant sur ma cigarette, je lâche son regard, le sourire aux lèvres, pour aller la libérer de cendres. «
Oui, je suis un menteur. Parfois. » Quand ça m'arrange. Quand ça peut faire rire mes interlocuteurs, comme elle venait de le faire. Elle était plutôt mignonne à faire semblant d'être déçue de moi. Je n'ai pas envie qu'elle me mette sur un piédestal alors peut-être que je fais tout pour l'éviter, quelque part. Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, ce qu'il vient de se passer entre nous sur son lit vient surtout de moi, j'en suis conscient et ça ne va pas me tuer de l'admettre ; j'ai connu de bien pires situations après tout.
Et je continue à parler, un peu, beaucoup. En tout cas comparé à elle. Alors naturellement je finis par lui proposer mon départ, parce qu'il est tard, minuit ne doit pas être bien loin d'ailleurs. Mon regard quitte difficilement son visage, parce que malgré elle, Grace est expressive dans son attitude. Des petits riens que j'observe silencieusement avant de rajouter que je reviendrai certainement pour lui rendre ce T-shirt qui me va comme un gant. Là encore, un signe. Elle se pince les lèvres et moi, je ne sais pas pourquoi, je reste immobile, je ne bouge pas. Alors que je viens de dire que je partais. Après tout, il n'y a pas péril en la demeure... et puis je me plais à la regarder, à l'étudier. A quoi pense-t-elle, encore ? Peut-être qu'elle chercher quelque chose à dire ? Peut-être qu'elle veut que je reste ? Et sa langue, elle l'a perdue ? ... Je fronce légèrement mes sourcils et esquisse un petit sourire en coin quand elle s'attache les cheveux. Je la préfère les cheveux détachés, elle est juste nerveuse et ne sait pas quoi faire. Enfin, ça c'était jusqu'à ce qu'elle se décide enfin à agir. Ses pas la rapprochent de moi et elle vient même se coller à moi, ce que je rejette nullement, me contentant de la regarder, sans un mot. Elle sourit, parce qu'elle sait que c'est risqué, parce qu'elle ne voulait pas avoir à faire ça, et aussi parce que ce sourire va rapidement s'évaporer avec ce baiser qu'elle provoque.
Tu es grillée, Grace. Grillée et cuite. Peut-être que je pourrais avoir ce que je voudrais de toi, à ce moment, et l'idée me plait trop. Elle n'aurait pas dû venir m'embrasser, je n'aime pas vraiment ça, enfin je crois... J'y réponds tout de même, tendrement, trop peut-être, réalisant qu'il y a un fossé entre ce que j'aime et ce dont j'ai envie. Le bout de mes doigts se posent sur ses hanches quand je sens l'une de ses mains s'aventurer sur mon ventre, et la seconde dans ma nuque. Elle ne peut plus dire que ce qu'on a fait l'a rendue indifférente à partir de ce moment-là, mais elle le sait sans doute. Merde, je ne sais vraiment pas quoi penser de tout ça, sauf que c'est trop, qu'on fait une erreur. Mais je garde la face, je reste fort. Elle n'a qu'à considérer ça comme un dernier, comme un au revoir exceptionnel. Ou peut-être est-ce simplement une envie soudaine et tardive à ce qu'elle a ressenti tout à l'heure ? Je devrais arrêter d'y chercher une explication. C'est fait, c'est fait. Elle finit par se retirer. Il faudrait être sacrément con pour ne pas comprendre qu'elle a envie que je reste, non ? Pendant un instant je la fixe, essayant d'avoir la réponse à ma question dans son regard, sur ses lèvres. Putain, je souris aussi, comme un idiot. C'est à cause d'elle, je plaide non-coupable. «
Tu sais qu'on va se revoir ? Les baisers d'adieu c'est un peu beaucoup romantique, quand même. » Réponde-je, souriant, dans un murmure en la contemplant une dernière fois alors qu'elle est toujours contre moi. Je n'ai pas fini de la provoquer, il faudra qu'elle s'y habitue. Enfin... Si on se revoit, vraiment. Mais la revoir juste pour lui rendre son t-shirt et lui dire adieu, ça me semble complètement stupide. Non, elle est sympa, je l'aime bien comme fille. Elle veut me raccompagner. Génial. «
Tu fais une hôte parfaite. » Je pose pieds à terre et prends mes distances avec elle, évitant de la regarder à nouveau. Je l'ai trop regardée ce soir, il est vraiment temps qu'on s'éloigne. Ça devrait se faire tout seul... comme d'habitude, avec les autres... Mon briquet, je l'ai. Je vais alors dans la salle de bain, enfile mes chaussettes, mets mes chaussures de courses et mon sweat par-dessus mon t-shirt. Je regarde même mon reflet à travers le miroir, avant de passer ma main dans mes cheveux machinalement. Je ressors et me laisse accompagner jusqu'à la pièce principale avec Grace. Une idée me vient avant de partir ; je vais donc jusqu'à la cuisine, cherche un stylo et écris mon numéro de téléphone précédé d'un « A » en-dessous du petit mot de l'amie de Grace. Je reviens ensuite vers elle en lançant mon iPod. «
Je t'ai inscris mon numéro de téléphone sur la note du frigo. Les premiers mots ne sont pas de moi, tu reconnaîtras sans doute l'écriture d'une de tes colocs... » Je souris et mets l'un des écouteurs dans mon oreille. Puis je la regarde dans l'encadrement de la porte. Et là, qu'est-ce que je pourrais bien lui faire ? Quand je couche avec des filles au retour de soirées, je pars sans dire grand chose, sans les embrasser. Que ce soit le jour ou la nuit, je ne m'embête pas de ce genre de choses. Mais elle c'est un peu différent, elle ne m'a pas laissé rentrer chez elle avec la simple idée de se taper un mec. Enfin pas à ce que je sache. Je ne fais rien bizarrement, je la regarde simplement. «
Bon et bien, salut. Appelle-moi si jamais j'oublie pour le t-shirt, mais ça m'étonnerait. » Dis-je avec un sourire significatif. «
Ou alors pour aller courir. » Je lui fais un clin d’œil et me retourne pour déguerpir à foulées modérément rapides. Ce fut une soirée pas banale, mais vraiment bonne. Pas juste ce qu'il s'est passé dans son lit mais tout. Faire sa rencontre au parc, faire sa connaissance dans sa chambre. Tout ce qui se réfère à elle, en résumé.
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