GRACE & ANDREAS ▪ let's pretend

Comme de par hasard il pleut au moment où je veux sortir. Je regarde à travers la fenêtre de ma chambre avec un air dépité, et me demande à quoi ça sert de vivre en Californie si c'est pour avoir ce temps. Mais je dois sortir et aller rendre ce T-shirt à Grace, ou tout du moins à l'ami de sa colocataire. Je suis intimement persuadé que ce mec se fiche bien de cette fringue mais je ne vais pas me plaindre, revoir Grace ne me déplaît pas, bien au contraire. Quand le CD que j'écoute vient à sa fin, j'abaisse l'écran de mon ordinateur portable et me lève pour  attraper le t-shirt réclamé. Puis je sors de ma chambre sans prendre soin de fermer la porte et passe devant celle de la chambre d'Atlanta. Elle est en train de bosser et ça ne m'étonne même pas : mademoiselle la perfectionniste a sans doute envie de décrocher la haute mention pour ses examens à venir, pour ne pas changer. Je ne pipe pas mot et me dirige vers l'entrée où je mets mes chaussures, enfile ma longue veste noire et prends un parapluie.

Cinq minutes plus tard, je suis devant chez elle. Je sonne, elle m'ouvre et je grimpe jusqu'à sa porte en courant, sautant les marches en habitué. Et puis voilà que j'arrive devant chez elle. C'est à ce moment que des souvenirs me reviennent, pile poil au moment où je ne devrais pas penser à ça. Je pose mon parapluie sur le bas côté de la porte et sonne deux coups.

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Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. Salinger

Je tourne en rond dans l’appartement, déteste ce temps, j’envisage d’aller emmerder une des filles pour faire passer les minutes plus rapidement. Mais je n’ose pas m’y résoudre, sachant qu’on est clairement en période d’examen et que même si je n’ai pas envie de réviser, je n’ai pas le droit de faire flancher les copines par cause d’ennui. Alors je tourne ouais, je mange aussi. Un bout de pain dans une main et dans l’autre quelques carreaux de chocolat. Je me décide à allumer la télé, me branche sur la chaine RockTV, me défoule tout en croquant dans les aliments, j’ai horreur de faire ça. De ne pas savoir quoi faire de moi, j’m’entends hurler ouais bon chanter quoi, et je me rends compte que si je veux aider les copines à être dans un habitat calme etc … Ce n’est pas comme ça que je vais y arriver, non loin de là. Alors je me faufile dans le couloir, regarde à l’intérieur des chambres, j’y vois, une, Alice, deux, Clary et pas de troisième fille. Bon, le point positif est que je n’ai dérangé que deux filles sur trois. Bon, bon, je sautille partout, envisage de fumer, quand j’entends sonner. « Je réponds ! » je cri en soupirant de soulagement d’être sauvée de cet ennuie, espérant que ce ne soit pas une erreur que quelqu’un ait sonné ici. Et puis, paf ! Je reconnais la voix avant de reconnaitre le prénom. Je suis sure que j’avale de travers de la mie de pain en plus de cela. Je me recentre quand j’appuie sur le bouton de l’interphone pour le faire entrer. Alors je cours vers mon téléphone, juste pour vérifier. Pas de nouveau message. Génial, il a l’air obéissant ce garçon. Hum …

Je baisse le son de la télévision, broie à moitié la nourriture que je tiens encore en main. Réfléchis Grace, et je t’en supplie réfléchis vite. Mais non, je n’ai pas le temps, on sonne déjà à la porte. Du coup, je dis cette fois « C’est pour moi ! Bougez pas ! » Je ne sais pas vraiment si quelqu’un m’écoute mais je croise les doigts pour que personne ne sorte de sa chambre à ce moment là. J’arrive enfin à la porte, en me disant que je suis taré d’avoir peur de me retrouver nez à nez avec lui. Qu’est ce qu’on va se dire de toute façon ? Bon sang, on va juste avoir l’air de deux cons. J’ouvre enfin, retenant un sourire quand mes yeux se posent sur son visage un peu trop parfait. « Hum. » Ouais, c’est vrai, j’aurai pu trouver quelque chose de mieux puis soudainement je bloque mon regard sur ses lèvres, me demandant si ce serait abusé de l’embrasser. Je secoue le visage, arrête de délirer. « Tiens, tiens … » Ce n’est pas mieux, mais en tout cas ça me donne franchement envie de rire tout ça. « Je n’ai pas reçu de texto. » Je lui dis d’un air malicieux, j’ai déjà envie de jouer, en vérité.

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Tu vois ce moment entre le sommeil et le réveil,
ce moment où on se souvient d'avoir rêvé ?
C'est là que je t'aimerai toujours,
c'est là que je t'attendrai.

Une voix brise le silence du palier et je devine que c'est elle qui parle de l'autre côté. Je n'attends pas plus de quelques secondes avant que la porte s'ouvre et je tombe donc sur elle. On se regarde un bref instant, instant pendant lequel je souris faiblement, surtout en l'entendant émettre un murmure presque inaudible. Elle m'énerve déjà, j'aimerais savoir à quoi elle pense mais c'est un désir bien délicat. Je remarque tout de même son regard déviant, et sa tête qui se secoue légèrement. En fait, je n'ai peut-être pas envie de savoir à quoi elle pense... Un air malicieux s'affiche sur son visage et je me pince la lèvre inférieure quand elle me parle du texto. Et merde. « Je crois que j'ai oublié. » Réponde-je avec une légère insolence qui ne se veut pas méchante néanmoins, car mon sourire s'agrandit spontanément. Bref, je ne suis pas venu ici pour l'embêter bien longtemps. Je lui tends le t-shirt lavé et même repassé - quel homme, je sais, je sais - par mes soins. « Tiens, tu remercieras ton amie ou le propriétaire. » Et c'est le moment où je suis sensé repartir. Après tout, je ne suis venu que pour ça, pour lui rendre ce vêtement. Alors je lui sers un rapide sourire forcé avant de rattraper le manche de mon parapluie. « Bon, je ne vais pas te déranger plus longtemps, tu étais peut-être en train de bosser avec les exams qui arrivent... »

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Je vois à ses expressions que nous ne sommes plus vraiment sur la même longueur d’onde. Soit, pas la peine de s’étaler dans ce cas, pas vrai ? S’il attend que je lui cours après, le monsieur est mal tombé. Je regrette mes textos, mes mots. J’ai envie de le frapper, le réveiller. Je le pensais amusant, j’ai du me tromper, après tout on a juste couché ensemble, j’aurai du deviner que c’était juste pour ça. Putain, je m’en veux croyez moi. « Je crois que j'ai oublié. » Ok … Je hoche la tête sans pouvoir m’arrêter de sourire cependant, je me veux énerver, je me retrouve carrément cuite. Et quand il sourit, je me détends un peu. Me décale même pour le laisser passer, je ne crois pas qu’on va recommencer notre manège de la dernière fois, juste que je me fais chier quoi. « Tiens, tu remercieras ton amie ou le propriétaire. » J’attrape le t-shirt, inclinant le visage sans comprendre quand il n’entre pas. Je ne comprends pas vraiment ce qu’il se passe, je ne croyais pas que coucher avec quelqu’un aitd’être ami avec cette personne. Puis, de toute façon, pourquoi j’aurai envie d’être amie avec lui ? Je roule mes yeux devant ma connerie de plus en plus voyante à mon avis. Il me sort un sourire plus que faux quand sa main rattrape son parapluie. « Bon, je ne vais pas te déranger plus longtemps, tu étais peut-être en train de bosser avec les exams qui arrivent... » Hein ? Alors je réfléchis, me demande si je suis si chiante que ça dans la vie et évidemment au lit. Je suis vexée, je mentirai si je prétendais le contraire. Je ne sais pas quoi faire, mon caractère de merde me dirait de lui hurler de se barrer, et à la place de ça, je vois ma main droite s’approcher de lui et y attraper le bras. Je le retiens, bordel, pourquoi je fais ça ? « J’ai une tête à réviser ? » Je demande en retrouvant un semblant de confiance en moi alors que je le tiens toujours pour ne pas le voir dévaler les escaliers. Non, non, moi je ne révise pas, j'y vais juste au feeling quoi, et jusque là cette solution a toujours marché, alors pourquoi cela s'arrêterait ? « T’as pas envie de rester ? » Mais qu’est-ce qu’il me prend à moi ? Grace, chut, tais-toi, arrête toi là, c’est clairement mieux pour toi. Et pourtant, je continue. « Pas pour prendre une douche,  hein, si c’est ce qui t’effraie. » Bien que je ne me savais pas effrayante une fois dénudée. « J’ai faim … » Je me retourne et le lâche enfin, il faudrait que je commence à marcher vers le frigo, mais le problème avec Andreas, c’est que je ne suis pas certaine qu’il soit comme tous les autres, qu’il me suive comme un petit chien, du coup je me retourne vers lui, toute sourire en lui disant « T’as pas faim toi ? » Reste un peu quoi.

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Tu vois ce moment entre le sommeil et le réveil,
ce moment où on se souvient d'avoir rêvé ?
C'est là que je t'aimerai toujours,
c'est là que je t'attendrai.

Quelques secondes de plus et je me retournais pour partir, cependant je remarque bien à son expression faciale qu'elle n'est pas d'accord, que quelque chose la dérange. Ce n'est que quand elle me retient le bras que je réalise être un idiot. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle me demande de rester et pourtant son visage me dit tout sauf de partir. Pourtant c'est vrai, je ne l'ai pas prévenue et j'aurais du le faire. J'suis parfois un peu tête en l'air, c'est rare mais ça arrive. Je n'ai pas réfléchi plus loin que mes pieds sur ce coup, je ne me suis pas dit qu'elle aimerait passer un moment avec moi, j'ai simplement cru qu'elle voulait ce t-shirt en retour. Mais non, il y a quelque chose de plus dans ses regards, dans son attitude. Je ne sais pas si ça me plait, peut-être bien que je me voile la face. Elle me pose une question à laquelle je ne saurais quoi répondre. Si, elle a une tête à réviser. Mais aussi à s'amuser, à ... Enfin, à profiter de la vie quoi. Grace m'inspire plein de choses ; je n'arriverais pas à la ranger dans une seule catégorie, quand bien même j'ai réussi à coucher avec elle dès le premier jour. Puisque cela devient obsolète, je relâche le parapluie et fixe intensément son regard tandis qu'elle me demande si j'ai envie de rester. Que ça ne sera pas pour prendre une douche. Je ricane doucement ; comme si ça pouvait m'effrayer... Elle ne doit pas se souvenir de la dernière fois quand je l'ai entraînée sur son lit, non sinon elle ne dirait pas ça. Mais certainement veut-elle me provoquer un peu, ça serait bien son genre tiens. Je ne vais pas rougir de penser à notre partie de jambes en l'air, je ne suis clairement pas ce genre de mec. Au contraire, je gagne en assurance parce que ce terrain de jeu m'a toujours plu. « J'ai une tête à avoir peur d'être trempé ? » Un juste retour des choses. Je souris malignement et rentre dans l'appartement pour la deuxième fois. Là je m'amuse à observer tous les détails qui ont changé en même pas une semaine. De nouvelles chaussures au sol, quelques verres sur la table, des coussins déplacés ou encore des magazines empilés sur la table basse du salon. Mon observation s'arrête vite quand elle me dit qu'elle a faim. C'est une sacrée information. Mes yeux viennent intercepter les siens et si j'avais retrouvé mon sérieux pendant un laps de temps, un sourire très mince vient se dessiner sur mes lèvres quand elle pose sa dernière question. « Peut-être, ça dépend de ce que tu as à m'offrir. » J'aime lui parler de cette façon, l'invitant ainsi à choisir l'interprétation qui lui plait le plus. Je suis un peu un enfoiré de penser ça, étant donné que je ne suis pas en position légitime de la charmer ce soir, mais c'était sorti presque spontanément. Je suppose qu'elle a envie que je me mette à mon aise alors je retire ma veste pour l'accrocher à un porte manteau (x) et me dirige jusqu'au canapé pour m'y asseoir et feuilleter à la va-vite un magazine féminin délivrant articles sur articles. « T'as besoin de conseils pour aller draguer en boite ? » Encore faut-il que ce soit elle qui lise ça... Avec ses trois autres colocataires la chance est petite, d'autant plus qu'elle ne semble vraiment pas être ce genre de nanas à aimer lire ça. Je soupire en repérant brièvement les grands titres et relève mon regard vers elle. Je croise le sien et réalise que je n'ai pas encore eu le temps de constater à quel point elle est jolie. Non vraiment, elle a un petit quelque chose qui me plait vraiment. J'ai l'impression de la connaître plutôt bien alors que ça date à peine de quelques jours. Peut-être parce que j'arrive à imaginer la moindre de ses courbes sous ses vêtements... Non, non Andreas. Oublie.

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La gêne que j’avais eu la dernière fois en le faisant venir chez moi s’est tout à fait envolé, alors je souris pour rien, et je me retrouve à avoir peur qu’il se casse quand je le voudrai que pour moi. Bon, y a rien de romantique dans tout cela hein, qu’on ne s’y trompe pas. Je me freine cependant, en pensée mais acte, il ne faut pas abuser. J’attends ses réactions, la peur au ventre, comme une con. J’ai envie de crier, j’envisage même de remonter le son de la télé afin de le faire délirer avec moi. Est-ce qu’il en serait capable ? Ouais, je crois. « J'ai une tête à avoir peur d'être trempé ? » Je fais semblant de réfléchir, pas vraiment longtemps appréciant le voir entrer dans mon jeu, même s’il semble le faire malgré lui. Je le trouve changé, mais je ne saurai pas expliquer pourquoi. Il a l’air juste différent quoi, alors j’en fronce les sourcils et m’avance un peu plus vers le frigo, parce que j’ai dit avoir faim n’est-ce pas ? Le seul truc c’est que j’ai encore mon pain en main. Bon, j’enfonce le tout dans ma bouche comme une morfale et l’entends me demander. « Peut-être, ça dépend de ce que tu as à m'offrir. » Il reste donc, et moi je mâche plus rapidement que la normale. Je devine aux bruits que j’entends qu’il retire sa veste, ouais, c’est certain, il reste. J’esquisse un sourire pour moi-même et me demande ce que je pourrais lui offrir. Une chose idiote me vient à l’esprit, dans ce genre de film débile et amoureux à souhait, la fille aurait simplement répondu que c’était simplement elle la chose à offrir. Mais on n’est pas dans un film et on parle juste de nourriture ici. Alors j’arrive au frigo, ouvre la porte et regarde ce qu’on pourrait grignoter. Le truc c’est que je ne sais pas vraiment ce qu’il aime manger. Bon, bon … Je tapote avec mes ongles la porte arrivant à m’agacer seule en le faisant. Le bruit résonne dans ma tête tandis que je ne sais pas quoi prendre. Et alors de nouveau il me tire de mon propre esprit pour me faire revenir dans la réalité. « T'as besoin de conseils pour aller draguer en boite ? » Hein ?! Je pouffe de rire quand je me tourne vers lui, me maudis quand sa beauté me frappe comme si je ne la savais pas déjà existante. Alors je réalise que j’ai faim, oui, mais faim de lui. Sauf que cela il faut juste que je l’oubli, que je supprime l’info de mon cerveau, que je me mette en tête qu’on a rien d’un couple et que tout ce manège ne ressemble strictement à rien. Si ce n’est à un moment entre copains. « A ton avis ? » Je demande sur un ton qui frôle le défi. Jamais de la vie je n’aurai besoin de ça, le monsieur ne m’a pas regardé ou quoi ? Ma prétention me fait sourire, et je retourne vers lui, faisant voler mes cheveux, je me caricature exprès. « Si tu me voyais en boite, sur que tu ne pourrais pas résister. » Je n’ai aucune idée de ce que je cherche en lui disant ça. Enfin, avant que ça ne tourne au pathos et qu’on ne sache plus où se mettre ni lui ni moi, j’enchaine avec « Bon, viens voir dans le frigo avec moi, comme ça tu choisiras. » J’attends qu’il se lève pour m’accompagner, envisageant de l’embrasser. Me demandant d’où me sort cette pensée, et surtout pourquoi je le ferai. On n’embrasse pas les gens avec qui on a couché juste par envie, Grace, la vie ne fonctionne pas comme ça. Alors à défaut de l’embrasser, je me mords les lèvres pour me refroidir, c’est plus prudent et puis de toute évidence, il ne souhaite pas signer pour une autre danse.

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Bien sûr que non, elle n'a pas besoin d'aide. A en voir sa réaction quand je tourne ma tête vers elle, Grace serait plutôt le genre à attraper tout ce qu'elle voudrait. Il y a certes son corps avantageux. J'ai du mal à croire qu'elle soit particulièrement aguicheuse, à vrai dire elle ne doit pas avoir grand chose à faire pour les attirer à elle. Je souris d'abord, et quand elle me dit que son pouvoir de drague est tellement bon que je ne pourrais y résister, je hausse légèrement les sourcils. Non pas que je doute, non au contraire, mais ça m'emmerderait de lui admettre ça aussi facilement. Elle fait sa belle en se retournant vers moi et je me retiens de lui montrer qu'elle me plait. « N'oublie pas que je ne crois que ce que je vois. Et puis il y a draguer et draguer... » Je préfère largement une fille qui danse en toute sensualité avec réserve plutôt qu'une bombasse qui danse vulgairement au beau milieu de la piste mais ça, peut-être qu'elle s'en doute. Enfin, qu'est-ce que j'en sais... Ce n'est pas comme si je lui avais exposé l'image la plus sage de moi l'autre jour. De toute façon je ne le suis pas, ce serait une erreur qu'elle croit ça. Finalement, elle me demande de la rejoindre pour choisir quoi manger. Le pire c'est que je n'ai pas vraiment faim, et puis je n'ai aucunement l'intention de la taxer en bouffe. Néanmoins je referme le magazine et me lève pour aller la rejoindre. Le bras allongé sur la porte du frigidaire, je regarde sans regarder à l'intérieur un instant, avant de relever mes prunelles vers elle, un air sérieux sur mon visage. Bien sûr que je joue un jeu. J'ai envie de sourire, de lui avouer que je me fiche bien de ce qu'elle a là-dedans, mais je ne le fais pas. Je passe ma main sur mon visage comme pour m'aider à retrouver la raison et en viens même à rire. « Tu n'as pas plutôt un truc à grignoter ? » Et en invité sans gêne que je suis, je referme la porte pour ouvrir celle du congélateur juste au-dessus. Heureusement pour moi, ce n'est pas là une cachette d'objets farfelus de nanas mais bien un compartiment à glaces, entre autre. Bingo. « Voilà ce qu'il nous faut. Manque plus qu'un film à mater et le tour est joué. » J'attrape le pot de glace au chocolat, à la vanille et au caramel, quelque chose dans le genre et referme la porte. « Deux cuillères... » Je me retourne et tombe nez-à-nez avec elle. Nos visages se frôlent presque et sans même réfléchir, je pose ma main sur sa taille furtivement, comme si c'était naturel. Est-ce que j'ai le droit de faire ça ? Peut-être que c'est déplacé. Sans doute que Madison n'aimerait pas ; oui c'est certain. Alors j'enlève ma main rapidement, tout autant que je dévie mon regard du sien, cherchant le tiroir des couverts. « Désolé. » Un sourire se dresse sur mes lèvres. J'suis quand même gonflé... « Bon, et si tu m'aidais ? » Dis-je avec un dessous d'espièglerie, avant de m'écarter pour la laisser prendre ce que je cherchais. Je m'appuie sur un meuble et la regarde, silencieusement.

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Je sens son regard posé sur moi, j’en rougis, je le sais, me hais. Je me demande ce qu’il se passe dans sa tête, comment il le voit, tandis que moi je me joue de moi-même en souriant grandement. « N'oublie pas que je ne crois que ce que je vois. Et puis il y a draguer et draguer... » C’est vrai, et habituellement je suis plutôt discrète pour cela. Après tout, il n’avait même pas remarqué j’en suis certaine qu’il me plaisait l’autre jour. Ou peut-être que si, justement et ça, ce serait embêtant, même si je n’arrive pas vraiment à définir le pourquoi du comment. « On sortira ensemble un soir toi et moi, et tu verras. » Je conclue en haussant les épaules comme si la proposition n’avait aucune véritable importance. Sauf que je viens de l’inviter là, je ne rêve pas ? Il y a des jours où je suis comme ça, où ma langue parle plus rapidement que moi.

Il vient me rejoindre, et notre proximité nouvelle me perturbe de moitié, je me ressaisie tandis qu’il regarde à l’intérieur du réfrigérateur. Quelques secondes passent dans un silence qui m’oppresse durant lequel je me demande quand je vais arrêter d’avoir envie de l’embrasser. C’est complétement con comme idée, soyons sérieux. Ses me trouvent à nouveaux, mon sang ne fait qu’un tour et je réfléchis au fait que c’est maintenant qu’il faut que je m’éloigne, mais avant cela il passe sa main sur son visage, semble vouloir effacer quelque chose et bizarrement je le comprends. « Tu n'as pas plutôt un truc à grignoter ? » Ah oui, c’est vrai, on a faim, enfin, j’ai faim, je veux le manger. Eh oh, on se calme mon agneau, tu veux manger, point. Donc ? « Ça doit se trouver. » Des choses à grignoter et plus aucun lapsus qui pourrait me coûter je ne sais quoi. Il ouvre le congélateur et pour le coup, je pointe à nouveau mon regard sur la fenêtre, il pleut, il fait quand même froid, mais le jeune homme veut qu’on mange de la glace. J’aime son initiative, et esquisse un sourire quand il sort les pots. « Voilà ce qu'il nous faut. Manque plus qu'un film à mater et le tour est joué. » J’approuve sans qu’il ne me regarde, mais peu importe. Je me réjouis du fait qu’il envisage de rester et de s’attarder le temps d’un film tout entier. Ca ne devrait pas me faire cet effet, mais je ne peux pas le contrôler, l’arrêter. C’est là, putain, à l’intérieur de moi. « Deux cuillères... » Je remercie sa voix de me ramener toujours à la réalité au bon moment. Sauf que cette fois, le but est un minimum foiré, il se retourne, et je suis pétrifiée, sa main vient se poser sur mon corps et je suis comme frappée par des souvenirs de lui sur moi, de ses mains parcourant mon corps comme si elles l’avaient connu avant. Je retiens mon souffle devant ma connerie. Le temps s’arrête, pas de doute. Puis … Puis tout reprend, la normalité en résumé, il s’éloigne de moi, et je pousse un soupir dont je ne sais même pas la signification, juste que notre petit jeu est clairement dangereux pour ma santé mentale.  « Désolé. » Je dois répondre ? Je suis encore sonnée par ses yeux perçants les miens, par sa main, son expression et tout le reste avec ça. « Bon, et si tu m'aidais ? » De quoi ? Ah oui, les cuillères, je les avais complétement zappé celles-là. Alors je m’anime à nouveau, retrouvant comment on doit faire pour bouger, malgré le fait que ses mouvements m’avaient pétrifiée. « C’est une idée. » Je m’avance vers notre vaisselier, ouvre un tiroir et sors deux cuillères, comme demandé. Face à lui, à nouveau, je lui dis en déconnant. « Faudra vraiment qu’on m’explique un jour comment les hommes feraient s’il n’y avait pas les femmes. » Bon, c’est totalement de mauvaise foi, j’en suis consciente qu’on ne se trompe pas, il n’est pas chez lui, ne sait pas où se trouvent les choses, mais c’est juste pour l’emmerder en somme quoi. Je le débarrasse d’un pot de glace et me dirige vers ma chambre. On pourrait cependant rester dans le salon, j’avoue être dans une impasse là. Alors je me tourne vers lui, autant lui demander ce qui lui plait. « On va le regarder dans ma chambre, ce film ? A moins que tu préfères le salon ? Enfin, deux de mes colocs sont là … » Donc on ne risque pas de faire des bêtises c’est ça ? C’est du grand n’importe quoi, alors du coup, je ne fini pas ma phrase, attendant simplement qu’il me dise où il préfère aller, même si on est chez moi, c’est moi qui vais suivre le mouvement.

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Aller en boite avec elle est bien une chose à laquelle je ne devrais pas penser en ce moment même. Non pas que l'envie n'y soit pas, mais pour être honnête, ça serait vraiment jouer avec le feu. Qu'on se le dise, j'apprécie beaucoup Grace mais je ne suis pas non plus enfoiré au point de faire ça à Madison. Parce que j'ai voulu sortir avec elle, parce que je tiens à elle. Alors je me contente de sourire avec légèreté à la proposition de la brunette. « Je te fais confiance pour m'en mettre plein la vue si ça devait arriver. » Ce n'est pas particulièrement optimiste, ni pessimiste à vrai dire, loin de là. Quand je me rapproche d'elle pour choisir ce que nous allons manger, je me bats contre mes pensées et décide finalement de prendre de la glace. Puis je me retourne, pose ma main sur elle, évite de la regarder, m'écarte et souris. Tout se passe rapidement, jusqu'à ce que je lui demande de m'aider à trouver les cuillères. Ca ne sert à rien que je me ridiculise encore plus. Grace sort les deux couverts et me sort une remarque féministe. Une grimace prend alors place sur mon visage pour lui faire comprendre qu'elle ne m'atteint pas, que je sais ce que je vaux, ce que les hommes valent même. « Ils se débrouilleraient, et finiraient tous gays peut-être. C'est tout. » Je hausse mes épaules avant de les relâcher négligemment, quand mes prunelles remontent sur elle. Je souris, quand même. Au moins, elle n'a pas une réponse machiste, mais plutôt réaliste, de quoi être fière de moi j'espère. Grace hésite entre aller dans le salon ou sa chambre. Le fait qu'elle ait des colocataires qui puissent surgir d'un moment à l'autre ne me gêne aucunement, mais mon intuition me dit que nous serons tout de même mieux dans sa piaule alors je lui fais signe de me suivre. « J'opte pour la tranquillité. » Et je me dirige jusque sa chambre en passant devant deux portes. L'une des deux est légèrement ouverte et j'y vois une fille de dos, blonde aux cheveux longs. Mon attention revient très vite sur Grace quand je pénètre pour la deuxième fois dans son antre. Bien sûr mon regard se pose sur son lit, sur ce rebord de fenêtre. Je m'immobilise un instant avant de voir des feuilles sur son bureau. Doucement je m'avance vers le meuble et jette un coup d'oeil sur les esquisses. « C'est le prochain building de Los Angeles ? » J'ai du mal à y voir clair car seule la lumière des lampadaires de la rue éclaire la pièce, mais ça semble plutôt bien fait. Bref, je vais ensuite m'asseoir sur son lit, devinant que c'est là qu'on s'installera. « Bon, j'espère que tu as de bons films à regarder, que je ne regrette pas d'être resté là. » Bien sûr c'est une boutade. J'espère qu'elle ne le prendra pas au premier degré... enfin elle doit commencer à me connaître un peu, quand même.

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« Je te fais confiance pour m'en mettre plein la vue si ça devait arriver. » Ô mais ça arrivera, j’en suis certaine, voilà. Je suis peut être stupide de le penser, c’est vrai, mais de toutes les façons, je n’arrive pas à ne plus y penser. On sortira ensemble un soir en boite et je lui montrerai tous mes secrets, c’est décidé. Et puis rien ne sert de me prendre plus la tête sur ce sujet, j’ai déjà parlé alors pourquoi regretter ? Sortir boire un verre entre copains c’est totalement anodin.
Enfin cuillères en main, il répond à ma phrase sur l’indispensabilité des femmes pour les hommes « Ils se débrouilleraient, et finiraient tous gays peut-être. C'est tout. » Je ris de sa grimace, et lui en sort une à mon tour, mécontente de sa phrase, mais bon, pas le peine de s’attarder sur ce sujet, les femmes seront toujours là et les hommes aussi c’est comme ça. Alors on se retrouve dans le salon sans mot dire et me voilà de nouveau en pleine réflexion. Je ferme les yeux, le temps de reposer mon esprit et surtout de sortir Andreas de celui-ci, sauf que pour l’instant alors qu’il est à côté de moi, c’est juste un peu compliqué.
« J'opte pour la tranquillité. » J’approuve, parce que je sens qu’il faut que je le fasse et surement parce que je ne sais juste pas quoi faire d’autre. Il se dirige vers ma chambre, sans me demander le chemin cette fois, j’ai horreur du fait qu’il en connaisse le chemin, et ça c’est carrément con, putain. Il ouvre la porte, je me sens pas trop maitre de moi, nous voilà de nouveau dans mon endroit, tous les deux. Alors je chasse de ma tête la nouvelle vague de souvenirs qui me frappe en plein visage, cependant ils s’envolent presque quand il s’avance vers mon bureau où se trouve mes dernières esquisses synonyme de révisions, d’idées, que j’ai vite écourté pour aller me défouler dans le salon, ne pouvant pas retenir ma propre attention plus d’une heure d’affilé. « C'est le prochain building de Los Angeles ? » Je n’aime pas qu’il regarde cette partie de moi et trouve d’ailleurs qu’il en a bien déjà vu, des parties de moi, s’entend. Ne sachant pas comment réagir, je me retrouve pour la première fois aujourd’hui sans voix, du coup je me racle la gorge et euh quoi ? « Le prochain, je ne sais pas, ce sont quelques délires qui sortent de ma petite tête, c’est tout. » Je m’avance vers les dessins pour les cacher. « C’est pas très bon en plus, pour le coup, tu tombes sur mes plus mauvais. » Et ça c’est carrément la vérité, et je me dis que pour une fille sans voix, je parle beaucoup là. Je le regarde par la suite se poser sur mon lit, juste comme ça, comme si c’était rien, juste assis. Je me remercie de ne pas avoir allumée la lumière parce que sinon il pourrait voir sur mon visage tout ce qu’il se passe en moi, tout ce qui fait que je ne me reconnais pas. « Bon, j'espère que tu as de bons films à regarder, que je ne regrette pas d'être resté là. » Je décèle son sourire dans le fond de sa pensée, ravale mes idioties et m’avance à nouveau vers mon bureau pour y chopper mon ordinateur portable. Peut-être qu’au final on aurait été mieux dans le salon, il n’aurait pas été question d’une telle proximité, mais je crois que c’est trop tard pour reculer. Je file donc m’assoir à ses côtés, essayant tout de même de n’avoir aucune parties de mon corps en train de le toucher. Et pour être sure de cela, je cale l’ordi entre nous deux, au moins comme ça, il n’y a pas de tentation. Point. J’allume l’écran, tout en lui disant « T’aime les films d’horreur hein ? Parce que si tu veux une comédie romantique, tu peux de suite partir. » Je le taquine, évidemment. Une fois le bureau affiché, je double clique sur l’icône du dossier correspondant à tous les films que j’ai téléchargé. Je ne lui laisse pas le choix, et lance Conjuring sans demander. Et tandis que le casting défile sur mon écran, je lui tends un coussin pour qu’il puisse mieux s’installer, faisant de même de mon côté. Je crois bien que notre séance de cinéma est une mauvaise idée, surtout parce que j’ai déjà vu ce film, et que ce n’est qu’Andreas que j’ai envie de regarder. Alors pour m’empêcher de faire une chose que je pourrai regretter, j’attrape un pot de glace et commence à manger, arrêtant enfin de me tortiller.

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Tu vois ce moment entre le sommeil et le réveil,
ce moment où on se souvient d'avoir rêvé ?
C'est là que je t'aimerai toujours,
c'est là que je t'attendrai.

Décidément, Grace ne semble pas enchantée quand je m'intéresse à ce qu'elle fait. Pourtant je ne fais pas semblant, j'aimerais vraiment voir ce qu'elle crée à l'aide de ses mains. Bref, il faut croire que ça sera pour une prochaine fois, enfin, rien n'est moins sûr vous me direz. Quoi qu'il en soit, ça n'a pas l'air « mauvais » contrairement à ce qu'elle proclame. « Les bons doivent être très bons alors... Intéressant. » Dis-je pour l'embêter un peu plus, parce que oui, ça m'amuse toujours. Je me contente ensuite de sourire furtivement en m'écartant jusqu'à son lit, où je m'assieds dos au mur, les jambes croisées. En l'attendant je sors mon portable et regarde si j'ai des messages. Rien. Je charrie la brunette sur l'éventail de films qu'elle est susceptible de me proposer et elle s'approche avec son ordi portable. Je lui laisse donc la place de se mettre à l'aise car c'est son lit, tout de même, et je l'observe avec une mine discrètement amusée. Amusée de voir cet ordinateur si sagement intercalé entre elle et moi. Si je veux une comédie romantique ? Non vraiment, sans façon... « Sois rassurée, je suis bon public des films d'horreur. Et pour ce qui est des comédies romantiques, j'ai déjà du mal à les apprécier en couple alors... » Ouais, alors là... Je vois qu'elle lance un film nommé Conjuring. Je le connais de nom mais je ne l'ai pas vu, alors c'est parfait. J'attrape le coussin qu'elle me tend et le place derrière mon dos pour être un peu mieux. Les premières images se lancent sur son écran, et moi tandis que j'étire un peu plus mes jambes, je sens qu'elle n'est pas pleinement concentrée. « Tu l'as déjà vu le film ? » Demandé-je sans quitter l'écran de son ordinateur des yeux. Pas que ça me dérange d'être le seul à le découvrir, même si c'est toujours mieux de le faire à deux. Quand elle entame le pot de glace, je ne peux m'empêcher de dévier mon regard vers l'objet de sa gourmandise puis vers elle. Je souris faiblement quand je devine à quoi elle pense peut-être. La situation, c'est ça qui la gêne. Je serais prêt à mettre ma main au feu qu'elle repense à l'autre fois, ici, sur ce même lit. Moi aussi j'y pense, je ne vais pas me mentir à moi-même... Abandonnant un instant le film, je tends mon bras vers sa main pour lui arracher la cuillère et taper dans le pot moi aussi, comme un adolescent malpoli. Sauf que je suis content de moi. Pourquoi je n'ai pas pris ma cuillère ? Parce qu'elle est trop loin de moi. Perspicace et pratique, c'est tout moi. Avec un sourire ravi, je lui rends sa cuillère. « Désolé, c'était pour tester les limites de ta générosité, et parce que je commence à avoir faim aussi. » Sans le faire exprès, je me suis rapproché d'elle, et mon épaule est désormais contre la sienne, ce n'est que quand je me re-concentre sur la scène du film que je le sens. Et là, je ne peux nier une chose. Un fait, plutôt. J'ai envie d'être plus proche d'elle encore, d'attraper sa main, de la serrer contre moi. Tout un tas d'actions illégitimes, incorrectes, mais pourtant bien là, dans ma tête. Le pire c'est que ça me fait manquer les dialogues du début, quand le narrateur parle. Comme un con je me mets à sourire. « Merde attends j'ai pas suivi... » Ma main s'avance et atterrit sur son PC, j'essaye de placer le curseur sur le retour en arrière en me pinçant les lèvres, les yeux plissés, comme un enfant concentré. « Voilà. » Retour une minute avant. Je reprends mon sérieux et lui prends le pot de crème glacée des mains, toujours avec sa cuillère. J'en prends un premier morceau et prononce, en mangeant : « Tu n'es pas malade au moins ? Ça serait con que tu sois généreuse au point de me refiler tes microbes. » Léger haussement d'épaule.

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Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. Salinger

Je ne sais pas ce qui m’emmerde le plus dans cette histoire, ce n’est pas comme si c’était la première personne à voir mes dessins, mais merde, j’en sais rien, je ne veux pas qu’il me définisse par ce qu’il peut voir sur ces bouts de papiers, c’est con, je le sais. « Les bons doivent être très bons alors... Intéressant. » Je souris, pour changer, levant les yeux au ciel avant d’ajouter « Je suis plutôt douée quand je veux. » Je me dis que je pourrai tirer la langue pour argumenter ma phrase, mais la puérilité du geste me gêne un peu, alors je me contente de tourner vers mon ordi tandis qu’il va sur mon lit.

« Sois rassurée, je suis bon public des films d'horreur. Et pour ce qui est des comédies romantiques, j'ai déjà du mal à les apprécier en couple alors... » Je ris silencieusement devant ses mots, les comprenant surement un peu trop. Je m’agace en nous trouvant un nouveau point commun, pensant que ça commence à faire beaucoup et que je me devrais de ne pas apprécier ce fait là. Sauf que le souci est que je ne peux pas m’en empêcher, ça me saoule, je vous que c’est vrai, je me saoule seule et parfois, comme maintenant, c’est carrément épuisant. « On n’est pas fan de l’amour dégoulinant, monsieur ? » Je demande en rigolant, secouant le visage pour conclure sur « Bienvenue au club. » Son attention se porte sur l’écran et la mienne ne le quitte pas, j’ai envie de me hurler dessus que cela ne se fait de fixer les gens comme ça, alors avant de le faire à haute voix, je me force à tourner le visage et en plus de cela, je souris connement. « Tu l'as déjà vu le film ? » Je grince des dents quand je ferme trop fort ma mâchoire en une grimace que j’espère il ne voit pas, avant de me reconcentrer sur lui, ayant une bonne excuse cette fois. « Une fois, mais je dormais à moitié je crois bien. » Je sais pas trop si c’est la vérité, c’est juste qu’avec lui à mes côtés je dois avouer que je ne sais même plus ce qu’est le sujet principal du film.

Je soupire au moment où j’avale de la glace, frissonne aussi par le froid nouveau qui s’infiltre en moi. Et là je suis clairement sure que les frissons viennent de la glace alors je me sens soulagée de savoir que maintenant que mon esprit est occupé à regarder l’écran et à manger, la présence d’Andreas à côté de moi ne me dérange plus. Ouais, je suis clairement calme, et complétement moi, sans aucun sentiment, je ne pense qu’à moi, qu’à mes projets et jamais au grand jamais je n’y inclurai un mec dedans. Je vis pour moi, point. Sauf que, sauf que cet idiot vient de me voler ma cuillère pour venir me piquer de la glace. J’ai du mal à en avaler ce que j’avais dans la bouche juste avant ça. Le froid s’est en aller, remplacer par le fait que je bouillonne, que je voudrai qu’on soit plus proche, que j’imagine des choses que je ne devrai vraiment pas imaginer. « Désolé, c'était pour tester les limites de ta générosité, et parce que je commence à avoir faim aussi. » Retour à la réalité, on arrête d’imaginer. Je reprends ma respiration, difficilement, je passe ma langue sur ma bouche et tente de ne pas apprécier le fait que nos deux corps se touchent aussi innocemment qu’on le peut, alors pourquoi je le prends comme ça ? Faut que je trouve un truc à dire, genre maintenant quoi. Ouais, allez Grace, on se met à parler « Y a pas plus généreuse que moi. » Certain que j’aurai pu faire mieux, mais de toute façon ça ne compte pas, alors faut qu’on m’explique pourquoi je me prends la tête comme ça. « Merde attends j'ai pas suivi... » J’avais carrément oublié qu’on regardait un film pour ma part, mais je me tais, le regardant simplement tapoter sur mon ordi afin de revenir en arrière. « Voilà. » Ok, voilà. Plus la peine d’avoir le cerveau en vrac, on regarde un film et plus jamais on se voit. Cette fois c’est le pot de glace qu’il me vole, et j’en fais les gros yeux. Faut pas abuser non ? « Tu n'es pas malade au moins ? Ça serait con que tu sois généreuse au point de me refiler tes microbes. » Je le tape sur l’épaule, instantanément,  gentiment, hein, évidemment. Un sourire reste accroché à mes lèvres et je loupe la scène suivante du film parce qu’à nouveau je me perds en le regardant. « Qu’est ce que t’en dis des conneries. » Et moi alors ? Je me permets alors de lui reprendre ma cuillère pour piquer dans le pot de glace à mon tour, j’ai envie de jouer les autoritaires et faire celle qui veut reprendre ce qui lui appartient sauf que je garde un sourire sur mon visage qui le nargue tranquillement, tant que ce n’est pas un sourire charmeur je n’ai pas à m’inquiéter, pas vrai ? Et là je suis certaine que ce n’en est pas un, enfin, je crois … Bordel, je sais pas. Alors après deux cuillères de plus pour moi, je lui tends l’objet de métal pour qu’il puisse en manger à son tour. « Tiens. » Une chose est sure en tout cas, c’est que si je n’ai pas vraiment suivi le film la première fois que je l’ai vu, je ne risque pas de faire mieux cette fois.

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Tu vois ce moment entre le sommeil et le réveil,
ce moment où on se souvient d'avoir rêvé ?
C'est là que je t'aimerai toujours,
c'est là que je t'attendrai.

Non, clairement pas fan de l'« amour dégoulinant » comme elle le décrit si bien. Bon, je ne suis pas un mec qui pense que l'amour ça craint non plus, quand bien même ça vous rend dépendant et la dépendance ça pue, mais voilà, si je regarde des films c'est pour me divertir, pas pour me rappeler que les coups de foudre, « si si ça existe » mais vous me comprenez sûrement. Tant mieux si je rejoins Grace là-dessus... enfin ça ne m'aurait pas dérangé qu'elle aime ça, c'est une fille quand même. Cela dit, il faut croire qu'elle me réserve encore de nombreuses surprises. Je lui demande si elle a déjà vu le film, ce à quoi elle me répond que oui, à moitié. J'acquiesce silencieusement et bascule ma tête légèrement en arrière contre le mur en regardant le film pendant... quelques secondes. Quand je m'amuse à lui piquer de la glace, je remarque qu'elle manque d'arguments pour m'engueuler. Ha, ha, mademoiselle perd de son répondant en situation intimidante... Et moi j'en oublie de suivre le fil conducteur de l'histoire. C'est qu'elle est plus intéressante que le film, vous me pardonnerez pour cette préférence, hein ? Je rembobine d'une minute, tente de garder mon sérieux et lui attrape le pot de crème glacée pour en manger quelques cuillerées. Parfait. Je suis tellement bien posé là, je pourrais rester dans cette chambre pendant des heures. Avec elle à côté, c'est encore mieux. Ce n'est pas ma copine, ni ma pote. C'est autre chose, et c'est agréable. J'aime la charrier, voir ce sourire sur ses lèvres pendant quelques secondes. Et quand elle lève la main pour me taper, ça n'a pas de prix. Ouais, quand je vous dis que je suis bien, c'est vrai. Elle reprend son pot, picore à son tour, et me refile la cuillère. Si je l'ai apprivoisée avec une simple cuillère, vous pensez que ça pourrait aller jusqu'où ? Je me surprends à me poser cette question quand je réalise qu'une nouvelle fois, je n'ai rien suivi du film. Putain, c'est désespérant. Je soupire pour la troisième fois au moins et passe ma main sur mon front. « A cause de toi je n'arrive pas à suivre l'intrigue. T'exagère. » Ouais je suis gonflé, mais ça je ne l'apprends à personne. « C'est quoi cette famille de tarés encore qui emménage dans la baraque la plus flippante des USA ? A leur place je me serais barré direct... Et bien sûr ils ont cinq filles, ça renforce le côté dramatique. Cinq garçons n'auraient pas chouiné autant que des nanas, ça va de soi. » Je lève les yeux en l'air suite à ces paroles dites nonchalamment. Sauf qu'une scène plutôt stressante arrive à l'écran et je sens que l'attention de Grace est doublée. Mes yeux se posent sur elle et je me mets à sourire, plaisantin. « N'aie pas peur, je suis là. » Dis-je en collant le haut de mon bras au sien. Cette notion du couple et de la fidélité, quel gâchis quand même... Amusé, je regarde à nouveau le film et m'allonge un peu plus sur le lit, calant ma tête sur le coussin plié en deux. C'est à ce moment que mon téléphone sonne vibre dans ma poche. Je le sors et y vois le prénom de Madison. Je vais alors lire le message sans même vouloir cacher mes gestes. Elle me demande ce que je suis en train de faire. Question banale de couple. Je réponds alors. « Je suis chez une pote. Et toi ? » Mes yeux ne restent ensuite pas longtemps sur l'écran, elle me répond rapidement et me demande de l'appeler. En gros, elle a plus retenu la première partie de mon message, ça m'apprendra à être sincère. Parce que je suis un peu rebelle, je lui fais comprendre que ce n'est pas le moment. « Je ne peux pas pour l'instant, mais dès que je rentre je t'appelle. » Je range ensuite mon portable et croise mes bras derrière ma tête. « Désolé pour les sms. Je crois que tu fais une jalouse. »

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Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. Salinger

J’essaie de capter quelque chose, mais je n’arrive à rien, mes yeux jonglent entre l’écran et Andreas et à la vérité c’est le second choix sur lequel je préfère m’attarder. Je mordille ma lèvre inférieure, nerveusement, je me sens comme une ado, non mais vraiment, hein. Je ne sais pas trop si je dois me plaindre, je suis en train de me dire que je passe mon temps à faire ça, Micah et Aaron approuveraient, je crois. J’esquisse un sourire, je ne sais pas trop pourquoi, me disant que même si la situation me perturbe un tout petit peu, y a un truc en moi qui ne peut simplement pas s’empêcher d’apprécier le moment. Bordel, c’est cette pensée qui est dégoulinante pas l’amour dans les films à l’eau de rose, croyez moi. « A cause de toi je n'arrive pas à suivre l'intrigue. T'exagère. » On est deux, et je rigole du coup pour m’accompagner sa pensée, passant ma main sur mon visage pour me concentrer. « C'est quoi cette famille de tarés encore qui emménage dans la baraque la plus flippante des USA ? A leur place je me serais barré direct... Et bien sûr ils ont cinq filles, ça renforce le côté dramatique. Cinq garçons n'auraient pas chouiné autant que des nanas, ça va de soi. » Je hausse les sourcils devant sa phrase complètement machiste. Bon même si c’est totalement vrai, faut que je trouve un truc pour répliquer, sauver les femmes quoi. Sauver ses gamines qui n’ont rien demandé, mis à part se retrouver dans une maison hantée. « Evidemment ! Attends un peu, autant elles ne seront pas si chouineuses que ça. Qu’est-ce que t’en sais, ce sont peut-être des minis Grace, hein ?! » Ouais je crois en elles, voilà. Alors cette fois, toute mon attention est portée sur le film, histoire de prouver ma théorie à monsieur les garçons sont meilleurs. Hum, n’importe quoi. « N'aie pas peur, je suis là. » Je hais ce mec, bordel. Je lâche l’écran des yeux pour retrouver les siens, son bras contre moi, protecteur alors que je ne le voudrai pas. Sauf qu’il y a un truc en moi qui me force à ne pas le virer, qui répète encore une fois qu’on n’est pas si mal ici, lui et moi. Je ne pourrai pas défendre les filles, c’est un fait que personne ne peut contredire, mon attention n’est pas à la famille qui compte se battre contre des démons, non elle est à Andreas et quand son portable sonne, je résonne. Mes yeux, dans un reflex idiots se posent sur le prénom lumineux qui vient de lui envoyer un message. Madison, ok. J’assimile et je suis conne. Alors que je devrai regarder le film, je continue à regarder le téléphone, lisant ce qu’ils sont en train de se dire, entrant complétement dans un côté intime que je n’aime pas. Le problème c’est que j’ai une pointe à l’intérieur de moi. Un truc qui me donne l’impression de bouillir. Une chose qui veut exploser. Avant de le faire vraiment et de me permettre des questions que je ne suis pas dans le droit de demander je regarde les cinq gamines de l’écran en train de hurler, putain, elles me font tellement honte que j’ai envie de crier. Ou peut-être bien que c’est le cellulaire d’Andreas qui me donne envie de le faire. « Désolé pour les sms. Je crois que tu fais une jalouse. » J’accuse le coup avec une autre pointe à l’intérieur de moi, bon. Je fais une jalouse, et alors ? Je devrai me réjouir, non ? Non. Non. Non. Je me demande combien de fois je pourrais me le dire, je secoue le visage, pas longtemps, juste histoire de je ne sais pas quoi. J’ai le droit d’être jalouse moi ? Je me donne ce droit ou pas ? Merde mais je joue à quoi ? On fait quoi ? On est quoi ? Deux cons qui croit tout savoir de la vie et clairement à ce moment précis je n’aime pas ça. Je me vois, ouais, me lever et faire une scène, une belle hein, comme on en fait pas souvent, sauf que je ne suis pas à ma place pour faire. J’ai l’impression que les choses me viennent en tête après un parcours lointain. Parfois il faut bien être sérieux. Sa façon de vouloir s’enfuir lorsqu’il est arrivé. Je me sens, je me sens comme une idiote. « Madison c’est un joli prénom. » Je m’entends prononcer d’une voix plus calme que je ne l’aurai cru. J’avale ma salive, je me félicite de ne pas devenir hystérique. De toute façon ça servirait à quoi ? A rien, et même le fait qu’on soit tous les deux dans ma chambre ne sert carrément à rien. Je m’arme d’une force surnaturelle, ouais, je jure que c’est vrai, pour soulever ma main et mettre pause au film. « Tu peux aller la rejoindre, je voudrai pas être un sujet de dispute. » Cette fois, je ressens le côté amer qui se cache au fond de ma voix. Je ne suis pas jalouse, Andreas, non, mais genre, vraiment pas.

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Tu vois ce moment entre le sommeil et le réveil,
ce moment où on se souvient d'avoir rêvé ?
C'est là que je t'aimerai toujours,
c'est là que je t'attendrai.

Je n'ai pas l'impression d'avoir dit un truc carrément macho et pourtant c'est une Grace défenseure de la cause féminine qui s'écrie à mes côtés. D'après ses dires, les cinq chouettes ne seront pas des pleureuses ; ouais, j'attends de voir. Et des minis Grace, elle a vraiment dit ça ? Je ne retiens pas mon ricanement, le pire c'est que j'imagine réellement des petites Grace en train de pleurer. « C'est vrai que ça ne te va pas de chouiner. Cela dit, une grande suffit, pas besoin de cinq minis. » Ouais sans façon... ce serait carrément masochiste, hein ?

Nous nous calmons, plus ou moins, quand je reçois un message de ma petite-amie. C'est vrai, j'aurais pu demander à Grace de mettre le film en arrêt pour que j'appelle et rassure Madison sur mes occupations, mais quelque chose me dit que ça n'aurait aucun sens. Premièrement parce que je n'ai de comptes à rendre personne. Deuxièmement, parce que je ne vois pas comment la rassurer alors que moi-même j'ai la tête qui tourne un peu avec la brunette à mes côtés. Parce que je sais que même si je ne fais rien de mal, je ferais tout de même mieux de rentrer, de ne pas penser et ressentir tout ce qui se passe en moi. C'est une erreur, c'est mal. Madison me haïrait si elle était dans ma tête, d'autant plus que je ne cesse de vouloir la séduire un peu plus chaque fois qu'on se voit, lui prouver que je suis un homme de confiance avec qui elle pourrait sans doute relâcher prise. Ouais... L'idée était bonne, on aurait même du me filer des bons points pour avoir fait ces efforts. Vous savez, comme ceux qu'on donne aux gamins quand ils ont donné une bonne réponse... Sauf que je ne sais pas où je vais avec Madison ni avec Grace, mais j'y vais. Je n'ai pas l'habitude de me poser trente-six mille questions. Quand je dis à mon hôte qu'elle fait une jalouse, elle se contente de complimenter le prénom de Madison. Je ne relève pas tout de suite mon regard sur elle, celui-ci étant fixé sur l'écran et les images qui défilent. Mais je réfléchis et réalise que ça sonne presque bizarre, sortant de sa bouche. Quand elle met le film en pause et m'invite à rejoindre Madison, je tourne ma tête vers elle et constate l'amertume de ses propos. Je n'aime pas ça, ou peut-être que j'aime ça. Je ne sais pas, je ne sais plus. Mon visage reste sans expression pendant un laps de temps indéterminé, jusqu'à ce que je trouve quoi faire. Ce n'est peut-être pas approprié mais je m'en fiche bien. Tout ce qui compte, c'est que je ne reste pas sans un mot, là, con comme un manchot à côté d'elle. « Pourquoi tu dis ça ? » C'est une bonne question, non ? Au fond, ses pensées ne sont pas claires. Je me redresse en prenant appui sur l'une de mes mains et me tourne vers elle. « Si je suis resté là c'est parce que j'avais envie de passer la soirée avec toi. » Un long silence s'en suit entre nous, dans la pièce. Moment pendant lequel je fixe ses deux yeux clairs assombris à cause de l'obscurité de la nuit, et je ne souris pas, je n'en ai même pas envie. Pas tout de suite en tout cas. « Alors à toi de voir si tu veux vraiment me virer pour que je la rejoigne ou si tu préfères que je reste ici. » Là, un léger sourire s'affiche enfin sur mes lèvres et je m'en veux presque d'user un ton un brin séducteur pour la persuader de me garder auprès d'elle, mais c'est trop tard, je l'ai dit.

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Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. Salinger