Re: APPEL D'ANDREAS A GRACE

« Pardon, je remplace spéciale par torturée. C'est pas comme si tu te laissais vivre tranquillement quoi. » Moi, je ne me laisse pas vivre ? Mais si justement, je laisse les problèmes de côté, histoire de ne pas m’embêter. On n’a pas la même vision des choses lui et moi, loin de là, j’ai cru un instant qu’on pourrait être capables de s’entendre mais le fait est que non. A part au lit, on se bouffe la vie. Il me bouffe la mienne. Me rends malade. Donc si, je me laisse vivre en éliminant les éléments néfastes de mon environnement. Ceux capables de me rendre dingue par leurs simples présences dans la même pièce que moi. Andreas en fait partie, évidemment. Andreas est le seul à me faire ça, mais je préfère ne pas me l’avouer, croire encore que j’ai une chance de tout contrôler. J’ai mal au ventre quand finalement je lui dis qu’on peut vivre l’un sans l’autre, qu’on est assez matures pour oublier. Qu’on ne va pas se lier d’amitié juste parce qu’on a aimé passer ces drôles de moments ensemble. Ça me torture trop de l’intérieur, du coup c’est à mon tour de décider, de prendre les devants, d’arrêter le jeu, de prouver que pour ce genre de choses maintenant on est trop grands. On n’a plus quinze ans. « OK... » Le verdict tombe, provoquant en moi un choc étrange auquel je ne m’attendais pas. Malgré tous les discours intérieurs que je me faisais, quand il accepte de me laisser m’en aller, j’ai l’impression de prendre la pire douche froide de ma vie, inattendue, involontaire et surement un peu destructrice pour la Grace que je suis. Toujours prête à faire fuir les gens de sa vie. Je ferme les paupières, longuement, appuyant fortement sur mes yeux clos et sur la respiration lente dont je fais preuve. On ne se verra plus, et je me dois d’être contente, car c’est – depuis le début – ce que j’ai toujours voulu de sa part. Qu’il me laisse tranquille, me gaver en silence de cette Liberté que je convoite un peu trop et qui peut être il aurait pu m’enlever. Sauf que ce n’est pas cela que je ressens, je n’ai en moi plus aucune once de cet étrange soulagement. « Faisons ça, ça a l'air super simple. Par contre évite d'aller courir au parc aux mêmes horaires que moi, c'est-à-dire le soir vers sept heures, parce que si je te croise, je ne saurai pas faire semblant. » Cette fois j’avale difficilement ma salive, surement dégoutée, tandis que je tente de lui faire part de mon sentiment avec une onomatopée que je ne suis pas certaine qu’il entend de l’autre côté du combiné. « Hfphm. » C’est tout ce que j’ai trouvé à répliquer, et de toutes les façons je ne saurai pas quoi rajouter de plus à tout cela, on s’est éclaté et maintenant on se dit au revoir, il n’y a pas de meilleur scénario d’après moi. Et s’il n’y a pas de meilleur scénario c’est à se demander pourquoi ses paroles m’énervent en tout point, me donnent presque le bourdon à défaut que ce ne soit le cafard. « Ô je t’en prie ! » Je reprends mon courage à deux mains, je veux me sortir de mon propre pétrin. « Franchement … » Tu n’y arriverais pas ? Pourquoi ? Je te jure que je ne vois pas, que j’essaie, mais que quand dans tes gestes même si je crois comprendre les choses, je vois bien vite que j’aurai du entendre le contraire. « Je sais bien que je marque les esprits. » Ouais, je choisi l’humour plutôt que le venin, je fais des progrès, c’est bien. « Mais quand même, tu me fais ta mauvaise tête là ! » Comme si j’étais au courant de ce à quoi peut ressembler la « mauvaise tête » d’Andreas. Et puis je souris quand je m’entends continuer sur ce chemin là. « Bon d’accord, si tu as une folle envie de parler de Need for speed, je veux bien être là pour toi. » Alors je me demande comment j’ai fait pour commencer avec le fait que je ne veux plus le revoir et en finir par une acception de continuer, s’il le faut vraiment, non d'accord, j'abaisse vraiment mes armes ; Parce que j'en ai envie. Et non, du tout, je ne suis pas lunatique dans ma vie.

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Tu vois ce moment entre le sommeil et le réveil,
ce moment où on se souvient d'avoir rêvé ?
C'est là que je t'aimerai toujours,
c'est là que je t'attendrai.

Cela ne me plaît pas tant que ça – après tout ce n'est pas comme si j'avais décidé ça avec elle de plein gré. Je pensais qu'on avait plein de choses à vivre encore, qu'elle avait peut-être envie de traîner encore avec moi aussi, en tout cas c'est ce que son attitude laissait présager mais j'ai dû me fourrer le doigt dans l’œil. Bref, j'accuse le coup et accepte le deal qui n'a rien d'un deal d'ailleurs. Et quand je souligne le fait que malgré tout je ne saurai pas faire semblant en sa présence, je reçois une espèce de son vague comme réponse. Quoi ? C'est tout ? Que voudrait-elle que je lui réponde d'autre après tout ? Que je me contenterai juste de jouer au faux cul qui ne la connaît pas en la croisant ? Car c'est une éventualité à ne pas évincer tout de même, et j'ai beau être un puéril parfois – à ce qu'il paraît – l'on ne peut cependant pas me reprocher d'être hypocrite. Grace reprend assez vite et je ne suis pas sûr de voir où elle veut en venir sur le coup. Alors comme un con j'attends qu'elle éclaircisse un peu la discussion. Je pensais que ça serait terminé, qu'elle finirait pas raccrocher mais il faut croire qu'encore une fois elle me surprend. Marquer les esprits, dit-elle ? C'est sensé vouloir dire quoi ça ? Je dois faire une tête de débile mais au point où j'en suis, j'vous jure plus rien n'a d'importance. « Ma mauvaise tête ? » Comment voudrait-elle que je réagisse, alors ? Putain, elle est totalement incompréhensible. Si j'avais l'occasion d'être téléporté dans sa tête, je crois que je m'évanouirais sous les pensées contradictoires et surtout intempestives. Sa dernière phrase manque de me faire rire. Et deux secondes plus tard je n'arrive pas à m'en empêcher, je souris et rigole même avant de lâcher un « bordel » révélateur de mon état d'esprit. A mon avis, j'ai loupé quelque chose dans cette histoire. Un épisode quoi, un truc qui m'aurait rendu plus compréhensif. « Je croyais que tu ne voulais plus me voir. » Ah, peut-être parle-t-elle juste d'appels téléphoniques ? Sait-on jamais. « Ou tu veux peut-être qu'on entretienne juste une relation téléphonique ? Des fois que tu me croirais vraiment désespéré... » Ouais, si elle pense que j'ai que ça à faire de l'appeler pour discuter de jeux vidéos, elle se trompe. Moi en tout cas, je me dépêche de clarifier un point sur lequel elle devrait cesser de douter. « Tu as peur que je te manque. » Elle peut avouer, ce n'est pas pour autant que je la demanderais en mariage, hein.

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Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. Salinger

Lorsqu’il me questionne sur sa mauvaise tête j’ai, l’espace de quelques secondes, envie de rire, mais je n’en fais rien. Je me contente de me torturer intérieurement, apparemment, je préfère largement prendre ce chemin. Bon sang, j’ai mal un peu partout à l’intérieur de moi, et je ne peux pas m’empêcher de me dire que ce n’est pas normal, que j’y comprends rien, j’en peux plus de la rengaine dans laquelle je me suis toute seule enfermée, et pourtant … Pourtant je cède, tout bêtement, je concède à le garder dans ma vie. Ce à quoi je n’attends pas forcément de réponse, non, je n’ai pas besoin qu’il me rappelle que je ne sais plus sur quel pied danser.  Et son rire là, sur le coup, je le hais. « bordel » C’est le mot parfait, c’est le bordel pour moi et j’ai grave l’impression que c’est à sens unique tout ça. « Je croyais que tu ne voulais plus me voir. » Moi aussi figures toi. Je soupire fortement pour signifier que là il ne m’aide pas. « Ou tu veux peut-être qu'on entretienne juste une relation téléphonique ? Des fois que tu me croirais vraiment désespéré... » Je trouve l’idée presque pas conne et c’est pour cette raison que c’est à mon tour de rire comme une idiote. Je me connais, la relation téléphonique je ne la tiendrai pas longtemps, pousser par une envie de plus, et mon rire redouble du coup sauf que je vite calmée par sa dernière phrase. « Tu as peur que je te manque. » Ouais, je ne m’y attendais pas à celle-là. Je frotte mon visage de ma main qui ne tient pas mon téléphone avant de sortir du rebord de la fenêtre pour faire les cents pas dans le salon, si Alice rentre maintenant elle va surement me prendre pour une dingue, et me conseiller sur le fait que je réfléchis trop pour une fille qui se dit ne pas être compliquée. Et le pire c’est que c’est vrai, je réfléchis trop. Habituellement je ne le fais pas, mon dieu, pourquoi je fais ça ? « Peur ? » Je tremble un peu, réalisant que j’ai peur de bien des choses quand je suis avec Andreas, mais le manque ne m’avait jamais effleuré l’esprit, alors nerveusement je reprends à rire. Je gagne du temps, je le sais, je le vois. Et puis je ne sais pas pourquoi, parce que je suis un peu, c’est quoi le mot qu’il a employé déjà ? Ah oui, spéciale, c’est ça. Donc c’est surement parce que je suis spéciale, et que j’aime jouer avec lui, quoi que j’en dise, quoi que j’en pense, j’aime ça, je lui dis sur un ton défiant. « Je te manquerai en premier. » Dieu que j’aimerai en être persuadée. Mais je n’ai pas le temps d’y réfléchir plus, pour pouvoir continuer à tenter de mener le jeu, de décider, je me permets de raccrocher tout en croisant les doigts, pour que oui, je finisse par lui manquer. Qu’il revienne un jour vers moi.

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Tu vois ce moment entre le sommeil et le réveil,
ce moment où on se souvient d'avoir rêvé ?
C'est là que je t'aimerai toujours,
c'est là que je t'attendrai.

APPEL TERMINE.

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Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. Salinger