Discrètement, je ramasse l'ouvrage avant de le tourner. Je le contemple sous tous ses angles, comme si avoir un aperçu de la tranche du livre me permettra de mieux me décider à l'acheter ou non. Je survole sa quatrième de couverture à l'aide de mes deux yeux de façon hâtive, furtive, même, comme pour me rassurer dans ma décision. Puis, j'ouvre le livre avant de faire glisser les pages de celui-ci entre mes mains, sentant la douceur du papier caresser la peau de mes doigts. Finalement, je referme le bouquin avant de contempler sa couverture une dernière fois ; la cravate argentée m'interpelle, comme à chaque fois. J'éprouve presque de la honte face au fait que je tiens actuellement cet ouvrage entre mes mains. Cela aurait pu être pire, cela dit : j'aurais pu me retrouver contraint d'acheter la nouvelle édition, celle ayant pour couverture l'affiche du film. Là, je sais que je ne l'aurais pas acheté, le livre. J'évite d'acheter des romans ne possédant pas leur couverture originale, parce que pour moi, le film, ce n'est pas censé être la même chose. Si l'éditeur insiste pour que la couverture représente le film et non le livre, autant réécrire le texte pour y apporter toutes les modifications propres à l'adaptation, après tout ... non ? Bref. La gorge nouée, légèrement consciencieux de ce que je suis sur le point de faire, je m'approche de la caisse afin de payer pour ce livre. Je dois impérativement me souvenir de réclamer un sac plastique parce qu'il est hors de question que je me promène dans la rue avec ce livre à la main. Incroyable. J'ai acheté mon premier magazine pour adultes il y a plus de dix ans, et pourtant, j'ai toujours peur qu'on me juge à chaque fois que je passe à la caisse. Et pourtant ... C'est à mon tour de passer. Tandis que je tends l'exemplaire de
Cinquante Nuances de Grey à la vendeuse, je m'attends à ce que celle-ci (et tous les clients derrière moi, au passage) se mettent à me rire au nez, ou du moins, à me juger. Et cela ne manque pas. Elle passe le livre et me demande s'il y aura autre chose, en me lançant un petit regard enjoué, accompagné d'un demi-sourire. Comme si je ne remarquerai rien. Lui indiquant discrètement que ce sera tout, elle me demande alors de payer $9.84, le livre étant en promotion pour les soldes de printemps. Passant ma carte bleue dans la machine, j'entre mon code pin avant de lui demander si ce serait possible d'avoir un sac. Elle m'indique que oui avant de me tendre un machin blanc à moitié transparent. Je soupire.
Super. À quoi bon posséder un sac si celui-ci est à moitié transparent ? N'osant pas lui en demander un deuxième, je sors hâtivement du magasin, bien décidé de rentrer chez moi aussi rapidement que possible. Regardant à gauche puis à droite, je m'apprête à traverser la rue afin de rejoindre l'arrêt de bus lorsqu'une voix derrière moi m'empêche d'aller plus loin. Une voix que je reconnais, malgré moi ... Une voix qui me fait des reproches, ça, c'est certain. Me retournant, étonné, je me retrouve face à ...
- Gabriel ... ?À peine ai-je le temps de l'identifier, voilà que son regard se porte sur le sac semi-transparent que je tiens entre mes mains. Conscient de ce qu'il est en train de faire, je tourne rapidement le sac lorsque je me rends compte que le côté mettant en avant la couverture du livre est celui qui se trouve devant lui.
Pourquoi n'ai-je pas songé à mettre la quatrième de couverture vers l'extérieur ? J'ai vraiment envie de m'enterrer six pieds sous terre. Il me déclare alors que ce livre, ils l'ont à sa librairie et pour le coup, je ne sais pas vraiment quoi lui répondre. J'ai honte, non pas d'être allé donner quelques dollars insignifiants à l'un de ses compétiteurs, mais bel et bien parce que maintenant, Gabriel sait que j'ai acheté un ouvrage de
Cinquante Nuances de Grey - et quoi que je lui dise, cela ne changera rien au fait qu'il ne s'empêchera probablement pas de me juger en conséquence. Ne sachant donc pas trop quoi lui répondre, je me contente de marmonner silencieusement :
- Ce n'est pas comme si j'avais prévu d'acheter quoi que ce soit en sortant de chez moi, ce matin ... Je me demande si je devrais lui dire que le livre coûtait probablement plus cher sur ses étagères à lui, d'ailleurs. Puis, je me dis que cela empirerait probablement les choses, alors je m'abstiens de dire autre chose de plus.
Mais j'ai dû oublier que j'étais obligé de faire tous mes achats auprès de toi, exclusivement. Évidemment que ce n'est pas le cas - j'essaie surtout de lui faire comprendre que c'est lui qui oublie que je n'ai pas de comptes à lui rendre vis-à-vis de là où je décide de faire mes achats. Je suis encore libre de mes choix, après tout ... Non ?
Spoiler :
Désolé, c'est un peu long pour ma part, n'hésite pas à faire plus court
Par contre, je suis allé vérifier sur le site de Best Buy pour trouver le prix des livres et il semblerait qu'ils ne vendent pas de livres ?
J'ai dû trouver le prix sur le site de Barnes&Noble du coup