Air hautain, menton relevé. Je joue un rôle que je ne suis pas ... Mais ça, je suis sûr qu'il le sait. Le journal, c'est vrai, je ne le lis pas : je le dévore, avec passion, douceur, violence, avidité. Je l'avale mot après mot, phrase après phrase, histoire après histoire, affamé de savoir ce qu'il se passe, là, dehors, autour de moi. Dehors ...Tout en restant dans le confort intérieur, celui de ma maison. Une coquille. Mon corps est une véritable coquille et je suis incapable de faire face au moindre affront ... Ou presque. Une autruche. C'est ce que je deviens, lorsque je suis mis à l'épreuve. Face voilée, tête dans le sable, je perds mes moyens, le fil de mes pensées ...
Puis, rappel, brutal, abrupt, choquant. Retour à la réalité. Nous parlons de manger. Côte de boeuf ... C'est bon, les côtes de boeuf ! Mais pas ici, pas maintenant. La côte de boeuf, ce n'est qu'en Italie que c'est bon. Moi, je suis ici ... Et parfois, pour oublier ... Je lis. Dante, Voltaire, Shakespeare, Keats. Shelley, Brontë, Brontë, Hemingway. Je lis, je relis, je voyage, je transcende ... Je deviens le héros, le bourreau et mon coeur tangue. La littérature est une drogue à laquelle je suis maintenant accroché. Mes yeux, affamés, ne s'en lasseront jamais. Je lui parle de cela, de cet amour, de cette passion. Je lui parle de Hemingway pour de très bonnes raisons. "En avoir ou pas." C'est le livre que je n'ai pas. J'en ai pas ... Et visiblement, le livre qu'il n'a pas, lui non plus. Quel mauvais libraire ... Ah, ah, ah.
Un sourire fin, moqueur, rieur, mesquin. Narquois. Je suis narquois, insolent, impudent, impertinent ... Mais il ne m'en tiendra pas rigueur ; je le crois et je le sais. Je sais bien qu'au fond, mon âme, il la connaît.
Provocation, mystère, menace voilée. Achète le livre, ou vois moi y retourner. Je lui souris, encore et toujours. Comment ne pas sourire, avec lui, en sa présence ? J'y arriverais peut être bien, un jour ...
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