Re: onzième intrigue ◊ Alice & RJ

Il tente de s’excuser à sa manière, rappelant pour la deuxième ou troisième fois qu’il a conscience de la situation dans laquelle il m’a laissée. Qu’il ne s’en voudra jamais assez. Et même si c’est énorme, ça fait toujours mal d’entendre ça. Parce que j’ai toujours voulu des montagnes, dans mes relations amoureuses. Des montagnes déguisées, dans le pire des cas, mais des montagnes si hautes qu’on ne puisse voir qu’elles, que le monde entier puisse témoigner de leur hauteur impressionnante. Oui, je rêve de choses que je n’aurai sans doute jamais, et à commencer avec RJ.

Mes sentiments pour lui sont toujours forts et je suppose qu’ils le seront encore un moment. Ils continueront de me brûler le cœur, de le piétiner chaque fois que je croise son regard, mais je le connais, je sais de quoi il est fait. Plus encore, je sais de quoi nous sommes faits, lui et moi, dès lors que les flammes commencent à s’agiter. Il faut toujours que ça parte dans tous les sens. Et ça brûle, sans prendre gare, sans pitié. Aimer, oui. Se détruire ? Non … Non, je ne veux plus. Ça me fait trop peur.

Ses mots sont lourds. Précieux. Forts. Douloureux. Rares, aussi. Je le regarde et je frémis, victime d’une sueur froide inhabituelle. Tout pourrait être plus simple. Tout pourrait aller dans le sens du vent qu’il semble créer. Mais la naïveté, ça n’a jamais été mon truc. « Je … » T’aimerai toujours. Moi aussi. A ma façon. Et puis, je réapprends à respirer. « Toi et moi, on n’y arrivera jamais, RJ. Je suis … » Tant de choses affreuses, je sais. « … instable. Et toi aussi RJ, tu l’es, mais à ta façon. J’ai besoin de quelqu’un qui soit posé, calme. Quelqu’un qui puisse me maîtriser et non me rendre folle. » Et il me rendait folle. De toutes les manières possibles. Il m’a fait décrocher et je regrette certaines choses que j’ai faites à cause de lui. Cela n’a rien d’innocent. Quand mes yeux se décrochent des siens, c’est pour me relever et retirer les brins d’herbe venus se coller à ma robe. Je fais un pas en avant et regarde devant moi, avant de rejeter un coup d’oeil vers lui. « J’ai gâché notre rendez-vous, n’est-ce pas ? »

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Avec une insupportable vanité, elle s'était imaginé pouvoir sonder le cœur de tout le monde. Les évènements avaient montré qu'elle s'était complètement trompée. Austen

Il ne s’était pas attendu à ce qu’elle lui réponde immédiatement par la positive, il n’était pas assez naïf à ce point néanmoins cela n’atténuait pas la douleur que ce refus bien sensé provoquait en lui. Il entendait bien ses mots, les comprenait même et dans une autre situation, sans doute aurait-il été d’accord avec elle, sans doute l’était-il au fond de lui mais il n’était pas prêt à abandonner la partie. Il n’avait pas été correct avec elle, sur tous les points mais en revenant et en voulant refaire parti intégrante de la vie d’Alice, il s’était préparé à toutes éventualité et surtout à se montrer plus coriace qu’il ne l’était à l’accoutumée. RJ se releva à son tour et prit le temps d’enlever les saletés apparentes sur ses vêtements, le cerveau en ébullition. Pourquoi diable fallait-il que ses paroles soient si sensées ? Et le fait qu’elles le soient confirmaient le changement d’équilibre entre les deux, puisque dans ce duo autrefois complémentaire, c’était lui l’avisé tandis que les risques étaient du ressort d’Alice, raison pour laquelle ça fonctionnait si bien. Il abandonna finalement cette entreprise herculéenne qu’était de nettoyer ses habits pour se concentrer sur une plus grande.

« Tu ne ressens plus rien pour moi ? »

S’entendit-il demander d’une voix claire et posée.

Je pose une question à laquelle je connais déjà la réponse. Oui, j'ai gâché notre rendez-vous. Je l'ai ruiné, même, avec tous mes mots, tous mes sentiments qui face à lui peinent à s'ordonner. Et lorsqu'il me pose à son tour une question, je sens mon cœur se retourner. Si je ressens encore quelque chose pour lui ? Est-il sérieux ? Dois-je vraiment répondre à ça ? Ne le voit-il pas suffisamment bien ? Pourquoi les hommes sont-il toujours aveugles dès lors qu'il s'agit des sentiments féminins ? Je n'aime pas sa question, elle est déplacée depuis qu'il a décidé de m'abandonner et je ne me gêne pas pour le lui montrer. De nous deux, celui qui a aujourd'hui le plus de culot, c'est décidément lui. « Ah tu te poses la question ? » Demandé-je sur ton sarcastique, avant de poursuivre. « Figure-toi que je me suis posée la même à ton sujet... et que je n'ai pas vraiment eu de réponse pendant des mois et des mois, jusqu'à aujourd'hui. Si ça ne te dérange pas, je vais te laisser mariner encore un peu. J'aime l'équité. » Mes prunelles restent fixées un moment sur lui puis je me décide à reprendre la marche, aussi peu commode soit le chemin. Je suis bien décidée à retrouver le béton et éventuellement à m'acheter un remontant une fois arrivée vers les commerces d'en bas. Enfin cette idée, elle plane dans ma tête quelques secondes seulement quand tout à coup, quelque chose de plus viscéral traverse mon esprit. La mâchoire serrée et le cœur à vif, je me retourne alors soudainement vers RJ pour l’asséner d'un nouveau coup, comme si ce n'était pas suffisant. « La roue n'a pas seulement tourné pour toi. Pour moi aussi, il y a du nouveau. » Et voilà, c'est dit, j'en suis contente. Enfin... C'est ce que je croyais.

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Avec une insupportable vanité, elle s'était imaginé pouvoir sonder le cœur de tout le monde. Les évènements avaient montré qu'elle s'était complètement trompée. Austen

Il avait la sensation qu’il venait de poser une question clairement stupide et la réaction ne fit que lui confirmer qu’il avait raison. Il savait que ce qu’ils avaient vécu était fort, et difficile à passer au-dessus malgré les efforts titanesques employés, du moins de son côté mais l’on parlait d’Alice et avec elle, toute ce semblant de confiance en lui qu’il emmagasinait au fur et à mesure que les compliments pleuvaient sur sa plastique, s’envolait, tout simplement. Après tout, elle le connaissait plus que la majeure partie des gens qui le couvraient d’éloge, elle avait vu de près aussi bien ses bons côtés que les mauvais. Ce qui expliquait donc qu’il ait eu ce besoin viscéral de confirmer, de confirmer que non il n’était pas le seul à être hanté par réminiscences de cette histoire violemment avortée par sa faute, il n’était pas le seul à avoir longuement espéré un autre dénouement nettement plus positif alors il ne put s’empêcher de sourire alors qu’elle s’emportait. Il savait que c’était une grossière erreur, qu’il valait mieux éviter de pousser dans ses retranchements une Alice déjà bien irritée. Elle n’avait certes rien confirmé clairement pourtant, il sut immédiatement ce qu’il en était et sa satisfaction était telle qu’il peinait à la dissimuler, malgré tous les efforts mis en place. Alors qu’il s’apprêtait à répliquer une phrase qui aurait sûrement mis l’huile sur le feu, la jeune femme se retourna pour lui gratifier d’un coup qu’il n’avait pas vu venir et qu’il méritait de toute évidence.

« Du nouveau ? »

Il se contenta de répéter ses mots, un moyen de les lui rendre intelligible, de leur trouver une signification autre que celle qui lui était parvenue en premier mais force de constater qu’il devra s’en contenter pour l’instant. Soudain, il la saisit par les épaules, avec plus de force qu’il ne l’aurait voulu.

« Tu t’es déjà trouvé quelqu’un ? »

Le déjà n’était nullement utile. Son emportement non plus.

Rien. Rien, depuis que je ne suis plus avec lui. Pas un chat... ou si, tiens. Un. Une erreur dont les origines méditerranéennes ne s'accrochent pas à ma mémoire tellement l'expérience fut nulle. Ridicule. Et je ne l'ai jamais oublié, RJ, parce qu'on ne peut oublier un amour comme celui qui nous a uni lui et moi. Pas faute d'avoir essayé, pendant des mois et des mois. A en devenir plus folle encore que ce que je peux être d'ordinaire. Alors j'ai cessé d'essayer, et depuis, je tente de me laisser porter par le vent, voir où il voudra me mener. En toute honnêteté, je ne saurais dire si cela me stabilise ou me perd davantage. Mes yeux sont encore plantés dans les siens quand il me questionne. Mais là je me retourne pour ne pas y répondre, levant les yeux au ciel comme si son interrogation était complètement illégitime. En fait, ne l'est-elle pas ? Si, elle l'est. Il n'a rien à me demander, lui qui s'est marié à Vegas, même pour rire. Ah ! C'était tellement drôle d'ailleurs. Et c'est quand j'y repense que sa main vient accrocher mon épaule pour me forcer à me retourner. Je le regarde à nouveau, puisque j'y suis obligée, et considère sa nouvelle question avec mépris. « Mais ne t'en fais pas. Personne ne m'a encore passé la bague au doigt. Regarde. » Je lève ma main, vierge de tout anneau même accessoire, et la dirige sur son torse pour le pousser vers l'arrière. « Je me suis juste faite sauter quelques fois. Rien que ça. » Mon épaule se hausse tandis que je ris faussement à mes propres paroles, comme si elles étaient banales, adaptée simplement à ma réputation. Et pourtant,  c'est un goût amer qu'elles me laissent en bouche, tellement elles sont lointaines de la vérité. Je n'ai jamais prétendu être très honnête dans ce genre de situation conflictuelle après tout. « Fallait bien que je passe à autre chose. William. » Et une nouvelle pointe de rancune qui s'échappe de mes lèvres, une. Avec un sourire mal placé, en plus. Je crois que je suis définitivement perdue.

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Avec une insupportable vanité, elle s'était imaginé pouvoir sonder le cœur de tout le monde. Les évènements avaient montré qu'elle s'était complètement trompée. Austen

William.
William.
William.

Sa voix résonnait dans son esprit, un tintement assourdissant et asservissant.
Elle avait réussi, encore une fois, elle savait où frapper Alice.
Les souvenirs affluaient, une cacophonie douloureuse qu’il ne parvenait pas à taire. Conjurer le sort lui était impossible, alors il se sentait partir, disparaitre derrière ce mur de convoitise et de jalousie.
Lente agonie de n’être que le suppléant dont le rôle consistait à rester dans l’ombre et d’attendre que sa nécessité voie le jour.
Une éternité.
Une éternité d’attente.
Puis la fin du songe onirique.

William.
William.
William.

Son regard le défiait, semblant dire, et maintenant quoi. En effet, et maintenant ? Ses prunelles à lui la détaillaient, de haut en bas, se couvrant progressivement d’un manteau de colère aux finitions de dédain, enfin ils parvenaient à reconnecter leurs atomes. Un mouvement de recul se fit de son côté tandis qu’un sourire froid transformait ses traits.

« Et quelques fois pour toi ça équivaut à combien en fait pour le commun des mortels ? »

Et voilà qu’il suivait le chemin qu’elle avait tracé, en évoquant cette réputation sulfureuse qui l’avait toujours suivie et dont il n’avait jamais fait grand cas. Il se savait puéril d’agir ainsi, rendre coup pour coup quand on se sentait acculé, enfant blessé qui voulait également blesser l’autre.

« J’espère qu’en passant à autre chose, que tu gardes quelques fois ta petite culotte, le temps devrait bientôt se rafraîchir »

L’absurdité de ses propos lui donnait envie de s’asséner des dizaines des claques, si seulement il pouvait s’arrêter là, la fermer, s’excuser peut-être mais le sort qu’elle lui avait lancée faisait encore effet.

Les choses n’étaient pas censées se passer ainsi.

William a eu son effet. Il a toujours son effet sur RJ, à vrai dire. Et je suis bien placée pour le savoir, puisque je sais tant de choses sur RJ, et sur ce William haï. C’était facile, trop facile même. Même plus original, digne de nos disputes les plus grandes. Je laisse mon regard sur lui encore quelques secondes, le temps de vérifier que le coup de massue est effectivement passé et a bien atteint son objectif. Quand je réalise que c’est le cas, mon coeur se serre et me rappelle que je ne suis qu’une sale garce, pour autant aimer faire du mal. Mais si vous voulez savoir, j’ai d’autres chats à fouetter sur l’instant que de me questionner sur mon attitude. Au fond, il a mérité ce qu’il reçoit aujourd’hui. Ce n’est que justice pour lui d’avoir mal après tout ce qu’il m’a fait subir, et sans jamais quitter sa posture d’homme condescendant.

Mais cela aurait été naïf de penser que la partie serait déjà terminée. Peut-être ne fait-elle que commencer ? Jusqu’où allons-nous supporter ce petit jeu qui consiste à nous toucher le plus profondément possible ? RJ a bien compris les règles et choisit d’enfoncer le couteau dans la plaie. A sa question, je ricane vaguement. « Tu sais que je suis mauvaise avec les chiffres, ce n’est vraiment pas la meilleure question à me poser. » Je ne devrais pourtant pas me sentir blessée par ses propos, étant donné que depuis notre rupture, c’est plus ou moins le vide dans ma vie sentimentale. Cependant ses mots me rappellent forcément cette réputation – fondée – qui a été la mienne pendant des années durant, celle de la fille qui couche si facilement. Si je ne regrette pas cette partie de ma vie, je n’en suis pas non plus particulièrement fière, d’autant plus quand il me l’apporte sur le tapis de cette façon. Et puis, le simple fait que ce soit lui qui en parle me fait mal. Parce qu'avant, j’étais sienne, et je croyais naïvement que ce serait pour la vie. Parce que j’étais folle de lui et qu’avec lui, plus rien d’autre n’avait d’importance. C’était tellement beau que ça en a été des plus douloureux. Désormais, j’ai envie de lui faire payer tout ça. Tout. Tout.

Mais absurde et vexant il le reste, avec sa dernière remarque. C’est tellement bas que je n’ai même plus l’envie d’en rire. « Je ne sais pas, ça dépend. Tu veux venir vérifier ? » C’est moi qui suis touchée, blessée. Le plus sérieusement du monde, je le fixe droit dans les yeux et attends presque qu’il se rapproche pour vérifier. « Après tout, je ne me suis pas habillée aussi sexy pour rien. » Vérifier que je ne suis pas cette salope qu’il s’amuse à incriminer. Et je m'en fous de le rendre fou, de le perdre dans ce labyrinthe complètement déglingué qu'est le nôtre.

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Avec une insupportable vanité, elle s'était imaginé pouvoir sonder le cœur de tout le monde. Les évènements avaient montré qu'elle s'était complètement trompée. Austen

Elle aurait sa peau.
Elle le foutait à genoux, si aisément que ça en devenait risible.
Alice, Alice, Alice.
Que cela sonnait cruellement à ses oreilles. Elle en faisait ce qu’elle voulait, du RJ, elle lui faisait perdre la tête, elle lui faisait perdre ses sens, elle lui faisait perdre le nord. Et à force de répondre aussi docilement à sa volonté, il avait fini par se perdre lui-même.

Qui es-tu ?
Que veux-tu ?
Où vas-tu ?

Oui, qu’était-il venu chercher ce soir ? Qu’avait-il prévu ? Certainement pas ce champ de bataille émotionnel qui mettait sa cage thoracique sens dessus-dessous. Son esprit n’était cacophonie méprisante, réponse à cette colère qui faisait gronder ses membres. Il perdait le contrôle à son contact…l’avait-il déjà eu à vrai dire ? Elle n’était que provocation et défi, elle attisait la feu, poussant ce volcan de regrets et de jalousie à bout, RJ allait craquer, il le sentait, il le savait, alors à quoi bon. A quoi bon mener ce combat perdu d’avance.

Il perd la tête,
Il perd le nord.

Il s’avança vers elle, un voile menaçant recouvrant son regard, prémices d’une tempête sans précédent sur le point de frapper de plein fouet ces deux êtres s’étant aimés au-delà du raisonnable. Les battements affolés de son cœur le rendent sourd aux suppliques de sa conscience.

Il perd la tête,
Il perd le nord.

Il la vit reculer, sans pour autant se départir de cette fierté qui la caractérisait et qui avait toujours su lui plaire. Bientôt, elle ne put plus aller bien loin, le chemin lui fut barré par un arbre et RJ en profita pour approcher son corps, son bassin faisant pression contre celui de la jeune danseuse.

« Et si nous vérifions ça… »

Lui-même se demandait ce qu’il était en train de faire. Sa main vint s’aventurer dans la chevelure d’Alice, chevelure qu’elle agrippa alors que ses lèvres s’écrasaient contre les siennes, avec ferveur, avec désespoir.

Comment peut-on autant aimer une personne et la détester en même temps ?

Sa main libre s’aventurait déjà ci et là, lui rappelant ces nombreuses nuits qu’ils passèrent à explorer le corps de l’autre, s’en imprégnant sans jamais en avoir assez. Une époque qui semblait si lointaine aujourd’hui, du moins cette complicité qui faisait leur relation.

Il souffrait de manque, du manque d’Alice.

Je sème l’animosité comme l’on pourrait semer le vent. Par légères bourrasques, d’abord, puis de plus en plus fortes. Précises. Parce que je sais y faire, que j’excelle même, dans cet art qui consiste à provoquer le monde.

Mais plus que tout je m’attends à récolter la haine, comme l’on pourrait récolter la tempête. Oh je ne suis pas idiote. Je sais comment ça fonctionne avec lui. Comment on a toujours réussi à se chercher et à se trouver, avec plus ou moins de passion, plus ou moins de violence. Peut-être que cette fois-ci, ça sera violent. Très violent ? Je ne suis plus à ça près. En réalité, j’adore le risque.

Plus, j’adore prendre des risques avec lui. J’adore quand la colère obscurcit son visage, son regard et toute cette silhouette si calme et désinvolte d’ordinaire.



Je recule sans être convaincue.
Je l’attends, comme on attend la sentence.

Qu’il me fusille avec ses yeux, qu’il me défie avec son corps, qu’il m’assassine avec ses mots. Encore. Et encore.



Ce “nous” ne mourra jamais. Il sera chaque fois un peu plus flamboyant.



Le tronc de l’arbre. Moi. Lui.
J’oublie le premier, je maudis le dernier.

Il veut vérifier ?
M’étonne pas, ça va avec son attitude de connard.

…
…


J’oublie où nous sommes. L’heure qu’il est. Le sens de la vie. Le sens de mon notre existence. Son prénom. Le mien. Je ne garde que mes sentiments, ces putains de sentiments qui hurlent, hurlent, hurlent en moi. Ces battements, assourdissants et fracassants qui me déstabilisent. M’affaiblissent ou me rendent plus forte ? Je ne sais plus, je ne sais plus quand il est contre moi, quand sa main glisse, s’aventure, s’accroche, quand ses lèvres viennent s’écraser contre les miennes à nouveau. Je ne sais plus.

Mais je me bats, inlassablement. Je ne cesserai jamais de me battre contre lui et ce soir, c’est contre sa douleur et sa fougue que je me bats, celles qui font tellement, tellement écho aux miennes. Je réponds à son baiser et à ses caresses, si peu orthodoxes, d’une façon encore moins conventionnelle. Je le serre contre moi, l’embrasse, tente de le repousser mais échoue, face à tant d’ardeur. Je lui dis non, oui, non puis oui. Je lui hurle oui et calque mon bassin à mes pensées, à mes envies. Je m’accroche à sa chemise, ensuite, brusquement. A sa nuque, à ses cheveux, férocement. Quand ses mains s’agrippent à ma poitrine, je sépare nos lèvres puis le regarde avec sévérité et découragement.



Le manque. La frustration.
Seigneur, ce qu’il me manque. Ce que ça fait mal de le retrouver comme ça, de cette façon.

…
…

La tornade tourbillonne, tourbillonne. Elle fait perdre l'équilibre, perdre la tête.

…
…

Bientôt, je craque. Mes yeux craquent.

« Bah alors ? Quitte à vérifier si je porte une culotte, va jusqu’au bout maintenant. Allez ! T’attends quoi ? Une effluve de sentiments romantiques ? Mais tu t'en fous de ça toi, non ? Et puis je suis une salope, il paraît. Les salopes ça ne ressent rien, ça ne sert qu'à ouvrir les jambes. Alors va jusqu’au bout, prends-moi et on n’en parle plus ! »

J’ai crié. Et je continue de craquer. De lui en vouloir pour tout ce qu’il a été, tout ce qu’il a fait. Tout ce qu’il est, tout ce qu’il fait. Tout ce que j’aurais tellement désiré le voir faire, au futur. Même moi, je perds espoir.



Je te déteste, je t’aime, j’ai envie de toi. De nous. A l’infini, peu importe comment.

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Avec une insupportable vanité, elle s'était imaginé pouvoir sonder le cœur de tout le monde. Les évènements avaient montré qu'elle s'était complètement trompée. Austen

Eh, Alice, dis, qu'est-ce qu'on a loupé ? Qu'est-ce qu'on a manqué ? Qu'est-ce qui nous a échappé ?

Dis Alice, pourquoi on en est là ? Comment on en est arrivé là ? C'est de ma faute tu crois ? Peut-être...

Je ne sais pas.

Je ne sais plus.

On a touché le fond, je crois. On s'est lâché la main et le vide a englouti le reste.

Alice.
Alice.
Alice.

Explique-moi, j'ai besoin de comprendre. Pourquoi ta main tremble ? Pourquoi tes yeux s'inondent ? Pourquoi ta gorge semble étreinte par le désespoir ? Hein, dis...je ne comprends pas, les choses me glissent des mains, elles m'échappent.

Boum. Boum. Boum.  

Est-ce que tu l'entends, mon coeur ? Il hurle cette douleur lancinante dans laquelle tu le jettes.

Boum. Boum. Boum.

Il agonise sous les coups de ta tristesse rancunière. Elle s'infiltre lentement dans cette poitrine, jadis ton terrain de jeune, se propage en une traînée de poudre dans cet espace devenu soudainement trop exigu.

Ses prunelles caressèrent doucement la jeune femme, tendrement à tous les coups. Il s'immobilisa, glacé par ses propos qui résonnèrent violemment dans sa tête. C'était douloureux, cette déchirure évidente. Il avait cette sensation écrasante qu'ils avaient atteint le point de non retour, prédiction d'une fin amorcée.

Dis, Alice, est-ce que tu as mal ? Est-ce que je te fais mal avec mes mots ? Est-ce que je te fais mal avec mon absence ? Tu sais, j'ai mal moi quand je pense qu'il n'y a plus de nous, juste un je stupide et perdu dans cette immensité.

Dis, Alice, je peux espérer que je peux encore mettre le bordel dans ta tête et dans ton coeur ? Que je peux encore te rendre folle comme avant ? Que le manque, il t'a mis à terre autant que moi ?

Dis, Alice, tu me pardonnes de me réjouir de te voir comme ça, si perturbée à cause de ce que je dis ? J'aime te voir aussi mentalement amochée à cause de moi, parce que ça veut dire... Tu sais ce que ça signifie n'est-ce pas ?

C'est peut-être pas fini...tu sais, le nous. Le tu plus le je, qui se retrouvent finalement sur le même chemin.
Perdus.
Ensemble.

Il écrasa ses lèvres sur les siennes, avec passion, avec désespoir. Il avait tant de choses à lui dire et ignorait par où débuter, tout comme la manière dont il fallait les formuler. Alors, il essaya d'utiliser ce corps pressé contre le sien, ces mains qui tâtonnaient maladroitement, tentant de l'apprivoiser à nouveau et puis...il y avait cette bouche communiquait silencieusement avec la sienne.

Taire le manque.

Puis à bout de souffle, il la libéra finalement. Et machinalement, son front alla se coller au sien. Comme avant.

Tu sais., je....

Il ne trouva pas les mots, il ne trouva pas le souffle de poursuivre, l'émotion le prit en grippe et il se sentit perdre l'équilibre. Un coup de coeur. Un coup au coeur.

Boum. Boum. Boum. Boum. Boum. Boum.
Il s'affole, tu l'entends ? Il crie. Je sais que tu le peux, regarde-le, il s'envole vers toi, fébrile et dans l'appréhension.

Il t'appartient.
Il t'a toujours appartenu.

Il t'attend.

Mes doigts se sont accrochés à l’écorce derrière moi et je m’entends encore crier, tout résonne en moi, de la haine à l’amour, toute cette palette de sentiments si extraordinairement vaste qui lui sont dédiés. Qu’il a gâchés, fut un temps. Qu’aujourd’hui il semble vouloir provoquer, attiser et enflammer.

Je le connais aussi bien qu’il me connait.

Est-ce de bonne ou de mauvaise augure ? Je ne saurais même pas répondre à cette question ; je suis perdue.

Entre ses silences et mon extravagance, quelle pénible danse et quelle médiocre performance sommes-nous en train d’exécuter. Je me sens perdre mon souffle, heurtée et blessée par ces mots que j’ai moi-même prononcés.  

Le fait est, que je l’ai connu romantique et qu’avec lui, je l’étais aussi.
Le fait est, que j’étais heureuse avec lui comme avec aucun autre.
Le fait est, que c’est avec lui que j’ai été la plus affreuse, parce qu’une telle osmose amoureuse ne pouvait pas être réelle.
Le fait est, que malgré toutes nos différences et malgré toutes nos disputes, c’est avec lui que je me suis sentie la plus entière, la plus complète.

A quel point sommes-nous fichus, RJ ? Vois-tu comme c’est voué à l’échec ? Devrions-nous oublier la fin misérable qui nous attend fatalement pour ne profiter que des bonnes choses ?

Je ne me serais jamais posé la question, avant. Et puis je l’ai rencontré. Et puis j’ai goûté à l’amour avec lui. Depuis, tout est différent, et pour ça je lui en veux. Avant j’étais libre, j’allais où bon me semblait sans ressentir ce poids insupportable en moi qui désormais ne me quitte plus.


Enfin, sauf quand tu es là, pas loin.
Tu sais, quand tu me regardes.
Quand j’existe à travers tes yeux.

Tes yeux si beaux, si tristes, si meurtris, ce soir.
Tes yeux qui me disent tout ce que tu n’arrives plus à me dire.


Pourquoi faut-il que ce soit lui, encore lui, et toujours lui, qui me fasse vibrer de cette façon ? Comme aucun autre n’a jamais réussi à le faire ? Oui pourquoi lui et uniquement lui ? Comment deux êtres humains peuvent être à ce point liés l’un à l’autre, quitte à se déchirer, quitte à se haïr ?

Mes lèvres accusent le nouvel élan passionné des siennes sans chercher une seule seconde à le rejeter. Il me procure de si belles choses, si fortes et si complexes à la fois, qu’il me serait absolument impossible de les renier. Alors je savoure cet instant avant que le silence ne revienne, pour quelques secondes seulement.

Tu…

Et je frémis.

Je… sais.

Peut-être, ou peut-être pas.
Peut-être que je me trompe.
Mais si c’est ça, peut-être que je l’ai toujours su. Bien malgré moi.


« Je déteste quand tu es loin de moi. »


Le dire enfin, à voix haute, les yeux clos. Ne plus se cacher derrière tout un tas de mensonges plus ignobles les uns que les autres.

T’avouer que tu me manques chaque jour un peu plus.

Mes mains reviennent se poser sur son torse, glissent doucement jusqu’à ses épaules, son cou puis sa nuque. Je réfléchis – tente, tout du moins, de réfléchir – à ce qu’il faudrait dire, faire de plus. Ma raison ne semble pas vouloir répondre.

« Je n’ai jamais arrêté de penser à toi. »

Contrairement à ce que j'ai adoré te laisser croire.

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Avec une insupportable vanité, elle s'était imaginé pouvoir sonder le cœur de tout le monde. Les évènements avaient montré qu'elle s'était complètement trompée. Austen

Un coup au coeur.
Myocarde en perdition.
Confusion mentale qui m'offre en pature à chacune de tes volontés.

Alice.
Il n'avait que ce mot à la bouche.
Alice.
Doucereuse mélodie qui saura guider ses gestes.
Alice.
L'espoir de retour.

L'espoir, quelle chose si petite et pourtant si perfide.

Fébrile. Angoissé. A fleur de peau.
Vois-tu ce qu'un seul de tes regards produit chez moi ? Te rendras-tu aveugle à ce que tu me fais ressentir ?

Emotion au bord des lèvres, ses mots se cognèrent violemment à ses lèvres scellées. Il y avait tant de choses à dire, tant d'aveux à faire mais il n'avait jamais su s'y faire en confession. Il perdait pied à chaque tentative.

Pourtant...

Pourtant... il en ressentait le besoin. Sa raison ne ferait long feu, assaillie de toute part par ce qu'il désrait lui déclamait sans en trouver le courage, peut-être.

La peur.
La peur de mal faire.
La peur d'être emporté.
La peur d'être submergé.

Béatitude.
Ses yeux se levèrent vers la belle brune tandis que ses chuchotements venaient caresser ses oreilles.
Félicité ultime.
Il avait peur de se fourvoyer. Un autre rêve, plus réel que tous ceux qu'il avait pu faire. Ses prunelles vinrent supplier celles de son idéal, closes pour son plus grand dam.

Il...
Je...
Eux..
Nous...

Une chose étrange se produisit, un fait dont le commun des mortels auraient douté le concernant. Des larmes dégringolèrent lentement avant de choir sur le buste de la jeune femme. L'embarras le conduisit à se rapprocher un peu plus d'Alice, dissimulant son visage contre sa poitrine, ses mains accrochées à elle dans un désespoir profond.

Viens on s'aime à nouveau.
Comme avant.
Non. Mieux.
Mieux qu'avant.

Il avait compris. Il avait enfin compris ce qui importait réellement. Il lui avait fallu du temps. Il lui avait fallu se perdre, voguer en eaux troubles . Ce n'était lorsque l'on avait tout perdu que l'on prenait conscience de ce qui comptait vraiment.

Au diable les formulations toutes faites.
Au diable les inutiles fioritures.
Au diable...
Au diable...

J'ai besoin de toi...si tu savais...