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Gabriel
Tel un petit gibier pris, le voilà pris au piège. Exactement comme prévu. Tout avait été calculé, après tout, avec soin mais, également, avec minutie. Je lui avais déclaré que le livre, je le possédais déjà... Et voilà qu'il semble embarrassé, confus et décontenancé. Un sourire victorieux se trace sur mes lèvres malgré moi lorsque le livre, je le vois sombrer vers le sol... En bas, plus bas, plus bas encore... Comme toutes ses défenses, à présent complètement abaissées. J'avais sorti l'artillerie lourde, j'avais tiré, j'avais soigneusement visé et j'avais atteint ma cible. À présent, il ne me reste plus qu'à bien mesurer mes coups, mes tours et mes propos... Puis, le tout serait joué. L'affaire serait dans le sac. Nos vêtements s'enlèveraient.
Mon bras à droite de son visage l'emprisonne dans cette alcove, confortablement enfermé entre les parois de ma confiance. Torse bombé, menton relevé, je lui offre une vue imparable sur toute ma splendeur, lui laissant voir à quel point je suis merveilleux, lui permettant d'admirer tout ce que je suis, là, ici et maintenant. Je sais: je suis incroyablement généreux. Je me dis que ma gentillesse me sera récompensée, plus tard dans la journée, lorsqu'enfin, il sera contre moi, excité à l'idée de pouvoir m'embrasser. Certes, nous n'y sommes pas encore... Mais c'est tout comme. Je me fais confiance. Je sais que d'ici un petit quart d'heure, l'affaire sera bouclée.
Lorsque ses yeux s'abaissent afin de constater les dégâts occasionnés au livre, les miens restent ainsi, fixés sur lui, occupés à le dévorer, encore et encore... Ce visage, si inoffensif, si impuissant face à la menace que je pose et à mon jeu de séduction lui va à ravir. Rien qu'à l'idée de lui arracher un baiser, je me sens entièrement... Éveillé. Mes bras, mes jambes, mon buste, mon bassin... Tout s'éveille, tout se réveille, pour lui et tous les désirs, tous les projets que j'aimerais bien partager avec lui.
Malgré tout, il n'est pas dépourvu de toute résistance. Une étincelle d'espoir luit encore dans ses yeux. L'espoir de quoi? De s'échapper. De se sauver. De se préserver. Cette étincelle accompagne chacun de leurs mouvements tandis que ceux-ci s'émerveillent à craindre mon visage. Ce nez, qui, incessamment, lui souffle de l'air tiède dessus. Ces lèvres qui, depuis notre rencontre, n'attendent qu'à l'embrasser. Ces yeux qui s'amusent encore et toujours à le dévorer. Cette étincelle d'espoir, comme celle d'un mégot, je m'apprête à l'éteindre, à l'exterminer, une bonne fois par toutes. Briser sa confiance, briser sa résistance, de sorte à ce qu'il ne puisse plus rien me renoncer. Mon bras, encore à sa droite, ne bouge pas d'un pouce.
Une goutte de sueur perle à mon front et je l'éponge hâtivement à l'aide de mon autre bras. Un sourire, équivoque et évocateur, connaisseur également, se dessine sur mes lèvres. Il pourra essayer de me berner autant qu'il le voudra, moi, je le sais, qu'il est pris, entièrement, complètement, dans cette embuscade que je lui ai tendue. Je sais bien qu'où qu'il puisse tourner de la tête, où qu'il puisse essayer de se diriger, il ne parviendra pas à s'échapper, malgré toute la volonté du monde. Ce plan machiavélique, c'est avec soin et attention que je l'ai confectionné... Et si personne n'a jamais échappé à la toile de séduction que l'araignée que je suis tisse éternellement, il y a bien une raison.
Le silence presque parfait de cette librairie met bien en place la mise-en-scène pour le reste de l'acte. Un silence pur, impénétrable, inviolable qui, très bientôt, sera entaché, souillé, haché et mutilé par une harmonie de soupirs et de gémissements. À en voir son expression impuissante, j'aurais presque pitié de lui et de sa sensibilité... Mais tout le monde sait bien que la viande la plus jeune est la plus tendre et la plus délicieuse. Il y a quelque chose de si exquis dans la sensibilité et la naïveté... Et si cet homme semble avoir depuis longtemps passé l'âge d'étudier, l'absence d'expérience dont il semble être affligé me semble entièrement transparente. Tout au plus, il a connu une personne ou deux dans son passé, de façon charnelle, romantique, passionnelle. Je mettrais ma main au feu qu'il n'a jamais réellement exploré les limites de sa sexualité. Heureusement que je suis là. Moi, je me ferai un véritable plaisir de les lui montrer. De les découvrir avec lui afin de lui ouvrir les yeux sur cet océan de possibilités. Possibilités de désir, possibilités de plaisirs... Possibilités de sensations, possibilités d'abstraction. De ce que j'en vois, cet inconnu aurait besoin d'un bon décompressant et je sais que j'ai ce qu'il faut. Je sais que je serai capable de lui offrir ce relâchement dont il bénéficierait très certainement. Tout le monde n'a pas l'honneur de pouvoir se découvrir dans mes bras, après tout. Ce privilège, je le réserve à quelques rares élus. Les âmes sensibles, battues, brisées. Les âmes qui, comme moi, ont incroyablement souffert et ont oublié comment essayer de se sauver. À ces âmes, j'offre autre chose que le salut: à ces âmes, j'offre une perdition, des plus exquises et des plus complètes, une damnation des plus absolues et des plus secrètes. Entre mes bras, Bailey s'est retrouvé entièrement métamorphosé. Désensibilisé au monde, dépourvu d'un peu de sa naïveté. Le même sort guette ce libraire, qui, à coup sûr, ne pourra qu'apprendre à s'affirmer sous ma direction.
Sa main se referme alors autour de mon poignet et si je me retiens de rire, je ne m'empêche pas de sourire. Sa main essaie peut être de l'affirmer, mais son regard le trahit entièrement, à ma plus grande satisfaction. De plus, il a établi le contact, ce contact physique entre nos deux corps. Il a lancé l'offensive, sans même s'en rendre compte. Cela veut donc dire ce que cela veut dire: à présent, je peux allègrement passer à l'acte sans éprouver le moindre doute ni ressentir la moindre scrupule. Le laissant faire malgré tout, je l'autorise à baisser ses gardes à nouveau, je le laisse penser qu'il reprend un peu de contrôle sur cette situation qui, en réalité, ne lui a jamais appartenu. Le contrôle, depuis le début, c'est moi qui le détient, et je ne suis pas prêt à y renoncer si facilement.
Sa main se pose contre mon torse et mon sourire s'accroit davantage. Serait-ce la capitulation? La preuve qu'il baisse ses armes et qu'il me cède, inconditionnellement? Serait-ce la levée du drapeau blanc, l'abandon signalant que nous pouvons désormais nous abandoner, ensemble, en paix? Serait-ce la fin, la fin du jeu, la fin du jeu de séduction? Il me repousse alors. Je me retrouve à tituber en arrière. Par réflexe, ma langue vient humidifier ma lèvre supérieure, enjouée, tandis que je le regarde d'un regard aguiché. Encore de la résistance? Encore de l'opposition? Cette proie est décidément bien plus coriace que je m'y attendais. Un adversaire honorable. Lui mérite réellement que je m'adonne à sa séduction. Lui mérite sans question que je lui offre le privilège de me découvrir, le temps que je le découvre lui. Lui mériterait peut être même que je m'en souvienne, une fois l'acte terminé... Toutefois, si le reste de sa prestance fait honneur à ces suaves introductions. Il semble être à la hauteur de mes espérances, malgré son apparence timide et sans défenses. Indéniablement, ce gibier cache bien son jeu... Et c'est en partie pour cela que c'est sur lui que j'ai lancé mes filets.
Perturbé, voilà qu'il tente de respirer, et que mon sourire continue de s'agrandir sur mes lèvres, à présent bien humides. Mon appétit, insatiable, intarissable, allait bientôt être satisfait... J'allais être repu... Et bon dieu, quel mets! Voilà que le libraire se baisse afin de ramasser le livre. Lui laissant assez de marge de manoeuvre, j'attends qu'il se relève, dos tourné à moi, avant de me rapprocher à nouveau. Mon corps situé à nouveau juste derrière le sien brûle à présent, pour lui et ce qu'il est. Mes lèvres n'en peuvent plus. Éprises de folie, c'est sur son corps qu'elles aimeraient laisser leurs passions enflammées, ravageuses et destructrices vagabonder. À nouveau, je lui souffle dans la nuque, plus acharné que précédemment. À nouveau, ma main se perd autour de la sienne, mes doigts flirtant avec les siens de façon légère et silencieuse. Mon souffle continue à s'abattre sur sa nuque et si je ne peux pas physiquement les voir, je suis persuadé que chacun des poils de son cou se dresse actuellement. Si son visage ne me fait plus, sa respiration saccadée suffit à me conforter dans l'impression qu'à présent, le combat a été gagné. Et j'en suis le vainqueur absolu, bien évidemment. Il me veut. Ça se voit. Ça se sent. Je le sais, qu'il me désire, qu'il me veux, qu'il aimerait s'abandonner à tous ses fantasmes les plus osés en ma compagnie. Je le sais, tout simplement parce qu'il n'est pas le premier à éprouver de telles sensations en ma présence... Et qu'il ne sera très certainement pas le dernier, également. Tandis que mes doigts aventuriers se permettent d'aller plus loin et de remonter, lentement, le long de son bras, jouant provisoirement avec les poils recouvrant sa chair, dans l'attente des prochains évènements.
Puis, sa voix résonne. Il invente un prétexte, me parle de téléphone. Déclare qu'il désire me laisser, réfléchir à mes envies... Mais mes envies je les connais, et je sais, à présent, je suis même persuadé qu'il les connaît aussi. Cette fois-ci, cependant... Je n'ai plus envie de jouer. Cette fois-ci, je n'ai plus envie de feindre, suivre, faire semblant. J'ai déjà gagné, et ce, depuis la première seconde. J'ai déjà gagné et ma victoire, indéniable, luisait dans ses yeux chaque fois qu'ils se posaient sur moi. Alors, cette fois-ci, je ne cède pas.
Moi, je n'entends rien. Je lui souffle tendrement à l'oreille, tandis que mes doigts, mesquins et capricieux, glissent à nouveau le long de son bras. Puis, je me décide à changer de stratégie, laissant ma main tomber le long de sa jambe, caressant le haut de sa cuisse, sous son bassin.
– J'ai longuement réfléchir et je sais déjà ce que je veux. Je souffle à nouveau, avec insistance. Ma main, elle, continue de caresser sa jambe, cherchant, bien évidemment, à éveiller cette partie de lui qui, plus forte que la raison, la remplacera entièrement avec le désir irrationnel d'être pris comme un animal. De façon torride, violente et bestiale, voilà comment je me promets de me l'approprier et s'il n'est pas d'accord, il ne me l'a certainement pas fait comprendre auparavant. Ma main se rapproche de sa braguette, tandis que je lui souffle une dernière fois à l'oreille.
... Et je pense même que tu le sais déjà, toi aussi. Je souris, une dernière fois, bien que je sais qu'il ne me voit pas.
Puis, mes lèvres se déposent silencieusement contre l'arrière de son cou.