Vingt-cinq ans... Vingt-cinq ans de conneries, vingt-cinq ans de gags, vingt-cinq ans d'awesomitude. Je devais fêter ça comme il se doit, n'est-ce pas ? C'est entouré d'une quinzaine – c'est une approximation, mais le mot quinzaine me plait plus que vingtaine, allez savoir pourquoi, quoi qu'il en soit je n'ai pas eu le temps ni la sobriété de compter le nombre exact – d'amis que je me suis rendu à l'Underground tout d'abord pour commencer la soirée en beauté tout en reluquant le plus discrètement du monde – certes avec de l'alcool dans le nez ça devient plus dur – le beau cul de Samuel, pour finalement aller terminer la soirée au Devilish Temptations. Enfin, « terminer » est un bien grand mot. Nous y sommes bien restés deux heures, ou peut-être trois... Quoi qu'il en soit, il est bientôt trois heures et demi quand je sors de la boite de nuit, dans un état de dépravation indéniable. J'ai beaucoup bu, mais pas trop ! Non, on ne boit jamais trop quand on a mon âge vous voyez, à moins de devoir se servir de ses mains pour marcher, ce n'est jamais trop. Néanmoins, j'ai un peu de mal à marcher droit et je rigole tout seul. Il y a cette fille que j'ai dragué qui m'a suivi jusqu'à l'extérieur... Mais pourquoi ? Je croyais pourtant qu'elle était intéressée par mon pote Taylor, parce qu'elle n'a pas cessé de me raconter qu'il était « vraiment hot », qu'il avait un regard de tueur prêt à tirer, et que son cul « oh son cul »... Je ne comprends vraiment pas pourquoi elle se retrouve presque pendue à mon cou lorsque je sors tout d'abord une clope et ensuite mon portable pour trouver quoi faire. Je vous prie de ne pas critiquer ce réflexe qui je suis sûr n'est pas uniquement mien. « Tu m'emmènes chez toi ? J'ai pas envie de retourner à l'intérieur. » J'ai dû l'embrasser plusieurs fois mais là l'envie m'est passée et tout ce dont j'ai envie c'est... enfin ce n'est pas ça quoi. « Non j'ai une coloc' qui m'attend avec un flingue, si je ramène une meuf elle risque de la tuer sans pitié, j'aimerais pas assister à un tel drame. » C'est drôle non ? Moi je me marre bien en tout cas. Elle, elle soupire mais je ne m'attarde pas sur son cas, déjà je m'écarte d'elle, sachant où mon envie va m'emmener. Ca non plus je ne comprends pas, ce n'est pas comme si elle avait été gentille la dernière fois qu'on s'est parlé... Pas la meuf de ce soir hein, non je parle de Grace. Vous pourriez suivre un peu. Bref, j'ai finalement passé le quart de siècle et je reste con pour autant, parce que clairement, j'ai aucune raison d'aller la voir elle. En plus il y a l'autre sangsue qui fait un pas, deux pas et qui m'appelle. « Hé, tu vas où ? » Là je me retourne vaguement, croise son regard et me mets à sourire. « Me faire flinguer par une autre nana. C'est triste je sais, ne pleure pas trop pour moi. » Les dents dévoilées en un large sourire, je lâche enfin son regard et décide de me dépêcher, du mieux que je peux, pour aller jusque chez Grace. Le chemin est long, j'ai l'impression de mettre une nuit entière avant d'arriver en bas de son immeuble. J'ai une chance d'enfoiré, un mec rentre en même temps que moi et donc je n'ai même pas besoin de sonner à l'interphone. J'emprunte ensuite les escaliers et monte jusqu'à l'appartement où « A. Collins – G. Nolan » est inscrit sur une petite plaque dorée. Là je sonne sans attendre, appuyé contre l'encadrement de la porte. Je patiente bien une dizaine de secondes avant que la porte s'ouvre. Comme un vainqueur – de quoi, on se le demande – je souris. « Tut tut, ne m'engueule pas ! J'ai vingt-cinq ans aujourd'hui. Enfin, hier plutôt, je ne sais plus... » Je relève mon poignet pour regarder l'heure mais ne cherche même pas à la lire, bien trop bourré pour songer à faire quelque chose d'aussi développé. Ma main s'appuie sur la porte et je me rapproche en abaissant mon regard sur elle. « Tu vois, je suis encore revenu vers toi pour t'empêcher d'avoir à le faire. Je tiens trop à ta dignité Grace. » Un sourire aussi bourru que charmeur s'étire sur mes lèvres, tandis que je me rapproche encore. « Ou peut-être que c'est moi qui suis en train de tomber amoureux... » C'est bon la tequila mais ça vous fait dire de ces conneries... Tellement que j'en rigole aussitôt, sans quitter son regard néanmoins. « Enfin bref, tu vas bien sinon ? »
Je serais juste l'attrape-cœurs et tout. D'accord, c'est dingue, mais c'est vraiment ce que je voudrais être. Seulement ça. Salinger