L'étau se resserre. La soirée commence à peine, et pourtant, je sens déjà que je ne la finirai sans doute pas dans mon état normal. Et la petite pilule qu'elle me donne et que j'avale sans prendre le temps d'y réfléchir deux fois, ne m'aidera pas à aller mieux. L'effet n'est pas immédiat, mais
Victoire remarquera bien vite mon euphorie. Elle commence à me connaitre, elle sait combien j'aime ce qu'on partage tous les deux. Un semblant de relation, qui ne ressemble pas à n'importe laquelle. C'est unique. C'est notre jeu, notre univers et personne ne peut le comprendre. Elle sait que d'ici quelques heures, chacun reprendra le court de sa vie, sans même se poser de questions sur l'autre. Et c'est en partie pour cette raison-là que l'on profite chaque seconde passé avec l'autre. Je ne répond pas à sa remarque, mais je lui lance un regard complice. Prendre des risques ? Allons, ce n'est pas comme si l'on avait peur de ça, n'est ce pas ? Et c'était une raison de plus pour laquelle j'appréciais autant sa présence. On prend des risques, on le sait, on en joue, mais surtout, on s'en fout. Après tout, on ne vit qu'une fois. Je préférais à une vie courte, mais amusante, qu'à une vie longue et ennuyeuse. Et avec un peu de chance, le ciel veillait sur nous. Elle m'accompagne au bar, son bras derrière mon dos, et je n'ai pas le temps de commander deux verres qu'elle semble déjà plus euphorique qu'il y a quelques minutes. Quoi, déjà ? Sa déclaration me fait sourire, mais je reste réaliste. Si notre relation s'adoucit, je ne suis pas sûr de la revoir de si tôt. Victoire, elle est comme moi, elle n'aime pas vraiment l'attachement. Si la relation devient trop bizarre, on sera tous les deux d'accord pour se dire adieu. En théorie. La pratique sera sans doute plus... mouvementé. Je n'ai pas le temps de réagir qu'elle s'approche soudainement. Et alors que je m'attend à une réplique sensuelle, qui mettrait mes nerfs à vif, elle dépose un léger baiser sur mes lèvres. C'est doux, c'est tendre, c'est totalement différent de ce que j'ai pu connaitre avec elle. Lorsqu'elle se recule, j'ai encore du mal à réaliser la chose.
« Impossible ? Espèce d’arrogant, c’est toi qui es fou de moi. » Elle lève un sourcil, me lance un regard de défi, ce qui me fait rire. Après ce qu'elle vient de faire, je ne suis pas sûr qu'elle puisse rester aussi crédible.
« Tu crois que tu vas réussir à tenir le rythme de la soirée ? » Dit-elle finalement d'un air faussement inquiet, avant de boire le verre de tequila que je lui ai commandé.
« Si tu me prends par les sentiments, je n'en suis pas sûr. » Je termine mon verre d'une traire et l'observe du coin de l’œil, à la recherche d'une quelconque réaction de sa part. Le sous-entendu est explicite. Si elle pensait que je ne lui parlerai pas du baiser, c'était une erreur ! Elle lève finalement les yeux à nouveau vers moi et nous échangeons un regard. Je la sens prête à céder. La température monte d'un cran, et ce n'est pas qu'à cause de l'alcool. Mes yeux ne quittent plus ses lèvres. Je n'ai plus envie de me battre. Je m'approche doucement, et ferme un instant les yeux. Je la sens tout prêt, elle et son souffle qui caresse mon visage.
« Tu es cruelle. » Et ce murmure vient tout droit du cœur. Trop cruelle pour pouvoir résister à une telle tentation. Elle est servie sur un plateau d'argent, et elle n'attend que ça. Je me risque à caresser sa joue d'un geste délicat, comme si je caressais une poupée en porcelaine, et mes doigts glissent jusqu'à son cou dégagé. J'y dépose un tendre baiser, et remonte doucement, lentement le long de sa nuque. Je prends soin d'effleurer sa peau et de la laisser frémir entre mes caresses. Je la laisse imaginer la suite qu'elle désirerait écrire à cette soirée, et finalement, lorsque j'arrive à son oreille, je m'arrête pour lui chuchoter quelques mots.
« Tu penses que tu vas réussir à tenir le rythme de la soirée, toi ? » Mon ton est tout aussi angélique que celui qu'elle a employé un peu plus tôt. Mon regard est plongé dans le sien et je guette chaque geste de sa part avec une attention toute particulière. La balle est dans son camp.